Maurizio Degli Esposti, Angel Herraiz, Giusva Fioravanti: Visages d'un jour N°3
Pour ce troisième volet de notre rubrique Visages d'un jour, visages de toujours nous allons aujourd'hui nous pencher sur trois jeunes acteurs qui ont un point commun plutôt amusant mais bien représentatif d'un certain cinéma érotico-morbide alors très en vogue en Italie dans les années 70. Tout trois perdirent en effet leur innocence sous l'oeil gourmand et vicieux de la caméra dans les bras experts de tantes affriolantes ou d'infirmières peu scrupuleuses.
Indéfectibles lolito du cinéma de genre italien, ces adolescents-stars d'un jour s'ils ont à jamais marqué l'esprit de l'amateur n'en ont pas pour autant connu une prolifique carrière et disparurent presque aussi vite qu'ils étaient apparus à l'exception de l'un d'entre eux qui allait définitivement marquer l'histoire du pays de façon particulièrement féroce.
Il est grand temps de marcher sur les traces de ces trois séduisants et troublants jeunes hommes en fleur qui malheureusement n'en laissèrent guère: Maurizio Degli Esposti, Angel Herraiz et Giusva Fioravanti.
C'est Salvatore Samperi qui fit faire ses premiers pas à l'écran en 1970 au jeune Maurizio, choisi pour incarner Enrico dans l'étrange giallo Uccidete il vitello grasso e arrostitelo. Sombre et tourmenté, ce grand brun ténébreux y incarne Enrico, le fils névrosé de Jean Sorel qui entretient une relation trouble avec sa jeune belle-mère, à la limite de l'obsession. Maurizio intègre alors la longue liste des jeunes comédiens qui se virent cantonnés à un certain cinéma érotique sans tabou qui savait mêler avec talent et bonheur virginité, inceste et relations interdites. Ce n'est donc pas une surprise si la même année Maurizio est au générique de Une fille nommée Julien de Tonino Valerii. Il interprète cette fois Lorenzo, l'infortuné petit-ami d'une Silvia Dionisio dangereusement malade.
En 1972 il est à l'affiche du très méconnu film fantastique de Giulio Questi , Arcana, dans un rôle tout aussi trouble puisqu'il est le fils inquiétant de Lucia Bosé, un jeune garçon qui possède de terribles pouvoirs surnaturels qu'il ne contrôle pas. Il entretient cette fois une relation malsaine à la limite de l'inceste avec sa mère tout en vivant dans un univers de folie qu'il semble entretenir. Ce rôle restera très certainement le plus inquiétant et morbide si ce n'est le plus fort qu'ait interprété le jeune acteur. Les cheveux longs, Maurizio qui ici nous gratifie de quelques nus dorsaux assez réjouissants n'a jamais autant ressemblé à Karl Zinny. C'est en 1974 qu'il fera son ultime apparition à l'écran avec le sulfureux et méconnu Simona / Passion de Patrick Longchamps, très inspiré de Georges Bataille. A notre grande joie Maurizio qu'on admirera cette fois nu y partage avec sa partenaire Laura Antonelli de torrides scènes de sexe et d'orgies dont une étonnante sur un lit d'algues. Il s'agit une fois encore d'une histoire d'amour dévorante qui mènera Laura et son entourage sur le chemin de la folie suicidaire. Si le film sortit en 1974, il fut tourné cependant en 1972 alors que Laura n'était pas encore connue. On peut donc considérer que l'ultime film de Maurizio fut Arcana.
Après ces quatre petites années passées devant l'objectif, Maurizio Degli Esposti mettra un terme définitif à sa peu prolifique carrière d'acteur et disparaitra sans laisser de trace emportant avec lui les secrets de ses origines au grand désespoir de ses admirateurs, nombreux soyons en certains, qui ne l'ont pas oublié et continuent à se laisser aller face à sa ténébreuse beauté, véritable incarnation de l'adolescent taciturne, tourmenté et tortueux.
Encore plus mystérieux est Angel Herraiz, un jeune acteur espagnol local au visage poupin choisi par José Ramon Larraz pour incarner l'adolescent en plein éveil sexuel du très coquin L'infirmière a le feu aux fesses / Malizia erotica. S'il n'est pas le plus connu des films de Laura Gemser, L'infirmière a le feu aux fesses connu aussi sous le titre Le tropique du désir possède cependant un charme certain. particulièrement sarcastique, il
met en scène un adolescent touché par les premiers émois de la sexualité qui tombe sous le charme de deux infirmières lesbiennes qu'il épie à l'aide d'un périscope. Elles finiront bien entendu par le déniaiser après bien des aventures polissonnes aux limites parfois du hardcore. Si on pourra admirer le nubile et bel Angel nu le temps d'un plan trop bref dans les toilettes moult inserts X destinés au marché étranger ont été par la suite ajoutés notamment lors de la séquence d'ouverture lorsque Angel se laisse masturber par une prostituée dans un cinéma porno et lors des scènes de sexe entre Laura et l'adolescent. Ce sera bien malheureusement l'unique véritable rôle de ce jeune comédien au charme typiquement ibérique qui dut en troubler plus d'un, beaucoup ayant du rêvé soyons en sûr de lui voler à son tour son innocence. Gageons que ce fut un réel bonheur de pouvoir le revoir la même année au générique d'une comédie hispano-roumaine réalisée par Francesc Bellmunt , Salut i forca al canut. Il n'y a malheureusement qu'un simple rôle de figuration. Il est le second étudiant qui, de dos (!), prend la parole lors du cours auquel assiste le prêtre.
L'étourdissant Angel disparaitra par la suite aussi vite qu'il était apparu tandis que Laura se contentera en guise de tout souvenir d'un laconique "Dieu seul sait ce qui ensuite advenu de ces acteurs locaux". Mais son passage éclair dans l'univers du Bis italien ne laissa personne indifférent. Il restera certainement un des lolito les plus séduisants du cinéma de genre transalpin. Si son prénom signifie Ange il en avait également la troublante beauté et la candeur mais on le sait les anges sont aussi mystérieux que insaisissables. En voilà de nouveau la preuve.
Beaucoup moins mystérieux mais plus dramatique est le parcours du petit Giusva Fioravanti dont beaucoup se souviennent pour avoir été le jeune neveu en fleur de Edwige Fenech dans Ah mon petit puceau de Marino Girolami. Giusva Fioravanti de son véritable nom Giuseppe Valerio Fioravanti est né à Rovereto le 28 mars 1958. Il n'a que 4 ans lorsque l'Italie le découvre dans un petit rôle dans le Boccace 70 de Visconti, Fellini et Monicelli.
Ces premiers pas à l'écran le conduiront vers une petite carrière cinématographique qui débute en réalité en 1967. Giuseppe Valerio prend pour pseudonyme Giusva et devient une des figures récurrentes du western spaghetti. Il est en effet entre 1967 et 1970 au générique de Cjamango, El puro, L'odio è il mio et Shango la pistola infalibile. Parallèlement, Giusva apparait dans bon nombre de séries télévisées mais également de romans-photo. Il devient vite une des nouvelles idoles des afficionados de ce type de lecture, l'enfant innocent qui émeut et touche l'Italie. En 1975, à tout juste 17 ans, il tournera son ultime film, le fameux Ah mon petit puceau / Ma tante d'Amérique aux cotés de la star de la sexy comédie d'alors Edwige Fenech dont il joue le jeune neveu tout émoustillé par les premiers frissons d'une sexualité en éveil. C'est dans ses bras qu'il perdra bien entendu sa virginité. Edwige se souvient très bien de Giusva qu'elle décrit comme un adolescent timide dont les parents et le grand frère venaient régulièrement le voir sur le tournage.
C'est l'année suivante que la vie de Giusva va irrémédiablement basculer. L'ange que l'Italie admirait va en effet se transformer en démon. Néo-fasciste convaincu, Giusva redevenu Giuseppe Valerio s'enrôle dans les tristement célèbres Brigade nere. Terroriste actif il tue un policier avant d'être impliqué dans le tragique attentat de la gare de Bologne qui fera 85 victimes. Arrêté pour fascisme et acte contre l'humanité, il est condamné à la réclusion à perpétuité dans une prison de Rome. Giusva n'avait que 20 ans. Il sera libéré 24 ans plus tard.
Depuis sa libération en 1999, Giusva est devenu une figure médiatique incontournable du pays. Il ne renie en rien son passé de terroriste et assume ses actes effroyables. Il parcourt l'Italie et donne régulièrement des conférences. En 2006, un livre lui fut consacré ainsi qu'à l'histoire des mouvements d'extrême droite.