Cugini carnali
Autres titres: L'initiatrice
Real: Sergio Martino
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Comédie érotique
Durée: 94mn
Acteurs: Riccardo Cucciolla, Susan Player Jarreau, Alfredo Pea, Fiorella Masselli, Rosalba Neri, Hugh Griffith, Renzo Marignano, Claudio Nicastro, Lia Tanzi, Raf Baldassarre...
Résumé: Nico a 16 ans. Fils d'un professeur strict très à cheval sur la morale, il vit dans la campagne sicilienne. Un évènement inattendu va cet été là bouleverser sa vie. Sa jeune cousine Sonia vient en effet passer ses vacances chez lui. Délurée, allumeuse, peu respectueuse des valeurs morales au grand dam de son oncle, la jeune citadine fait perdre la tête à Nico qui vit ses premiers émois sexuels. Lorsque le meilleur ami de l'adolescent vient lui rendre visite, Sonia se laisse séduire et sort avec lui. Jaloux, Nico est de plus en plus frustré et malheureux. Finalement, Sonia reviendra vers lui et lui offrira sa première expérience sexuelle avant de s'en aller...
Plus connu pour ses polizeschi, gialli et films d'horreur que pour ses quelques comédies qu'il réalisa, Sergio Martino en a pourtant quelques unes à son actif dont Cugini carnali, une des plus méconnues. Voguant sur le filon érotico-morbide ouvert notamment par Malizia et Grazie nonna, Martino nous offre une comédie aigre-douce qui prend comme base un des thèmes incontournables du cinéma italien d'alors, les premiers émois sexuels d'adolescents qui perdront leur innocence grâce à quelque généreuse cousine, nièce ou tante dans un contexte familiale aristocrate où les valeurs religieuses et morales sont prioritaires.
Fils d'un professeur très strict à cheval sur les valeurs morales, le jeune Nico, adolescent timide et choyé par sa mère, vit ses premiers émois sexuels. Si a 16 ans son père le considère encore comme un petit garçon, Nico est pourtant bel et bien un homme désormais et l'arrivée de sa cousine Sonia va ébranler ses sens. Citadine délurée, peu farouche, faisant fi des traditions et de la morale, Sonia va enflammer les sens de son cousin. Après bien des difficultés et quelques larmes, Nico perdra cet été là son innocence dans les bras de sa cousine.
Si Martino s'était déjà laissé aller à ce prolifique filon du cinéma érotique post Malizia avec Giovannona coscialunga, disonorata con onore / Mademoiselle cuisses longues, Cugini carnali reste certainement un des meilleurs films du genre, une véritable petite perle trop souvent passée sous silence qui mêle avec talent le meilleur de la comédie aigre-douce à l’italienne et du cinéma érotico-morbide.
Sur une trame certes classique, Martino signe ici un film qui se veut à la fois une critique virulente d'une certaine bourgeoisie rurale sicilienne et la mise en images de l'éveil de la sexualité d'un adolescent timide et maladroit, écrasé par l'autorité paternelle mais couvé par une mère-poule. A travers cette famille, le réalisateur dresse là encore un portrait au vitriol de petite aristocratie italienne, hypocrite et pervertie, qui se retranche derrière l'église et les valeurs morales pour mieux cacher ses vices. Ainsi le père, un professeur strict et autoritaire,
est un homme cupide, vicieux et sans scrupules qui trompe sans vergogne son épouse avec la bonne mais également avec sa fille, une adolescente qu'il dépucèlera avec l'accord de sa mère dépitée après que celle ci lui ait soigneusement donné le bain sous l'oeil gourmand de ce chef de famille qui ne jure que par l'ordre moral. Tout autoritaire soit il, il est pourtant sans cesse rabaissé par le grand-père, un vieil homme malade mais toujours aussi sexuellement actif qui ne jure que par le sexe et se désespère de voir qu'à 16 ans son petit-fils est toujours puceau. A son âge se vante t-il il avait déjà connu toutes les putains du pays. Quant à la mère, femme maternelle et soumise à l'autorité de son mari, elle a des vues sur le curé du village. Nico n'est jamais que le témoin muet de toute cette hypocrisie, cette bassesse, cette petitesse aussi étouffante que l'air brûlant de Sicile.
Cugini carnali est une vision acerbe et satirique de cette Sicile rurale rétrograde, une peinture peu éloquente d'où suintent vice et méchanceté. Avec talent et surtout une rigueur admirable, Martino nous décrit cet univers en créant dés l'ouverture un véritable climat, une ambiance trouble et malsaine en posant d'une part ses caméras dans un petit village sicilien écrasé par la chaleur, magnifiques paysages arides baignés par un soleil de plomb, d'autre part en insistant de façon presque morbide sur tous les tics et défauts les plus crasses des personnages. Il est surprenant comme très vite de par cette atmosphère Cugini carnali fait penser aux oeuvres d'un cinéma beaucoup plus pointu, celui de cinéastes tels que Scola (Affreux sales et méchants), Risi, Comencini, Bolognini ou encore Monicelli.
Derrière cette satire sociale grinçante, Cugini carnali reste cependant une comédie érotique audacieuse typiquement italienne dont le principal thème reste l'éveil à la sexualité d'un adolescent. L'arrivée au coeur de cette famille de Sonia, la jeune cousine citadine délurée, va vite jeter le trouble pas seulement dans l'esprit de Nico mais également dans le village où ses tenues sexy et très libérées font tourner la tête des villageois et se signer leur épouse. Tout graveleux que soit le sujet, il faut là encore reconnaitre que Martino est tout aussi inspiré et fait preuve d'une grande maitrise. Jamais scabreux, chacune des scènes polissonnes et même érotiques est d'une sensualité et d'une beauté souvent fascinante.
Coquin, parfois osé, juste milieu entre un cinéma érotique léger et un cinéma beaucoup plus salace qui frise par instant le softcore, Cugini carnali ne sombre jamais dans la vulgarité bien au contraire. Entre tendresse, sensualité exacerbée et drôlerie, le film ne cesse d'osciller combinant parfois le tout. Sous la férule du réalisateur les scènes les plus dérangeantes (la préparation de l'adolescente pour son dépucelage par le père) en deviendraient presque amusantes tandis que l'amour latent et interdit entre Nico et sa cousine est amené de façon progressive mais toujours avec beaucoup de délicatesse et d'humour jusqu'aux deux scènes cruciales: leur premier baiser sous l'orage après que Nico ait été rossé de coups par son meilleur ami et l'initiation sexuelle finale de Nico qui clôturera le film. Avec une infinie émotion, Martino filme le rapprochement des deux adolescents qui lentement vont s'effeuiller avant de se donner l'un à l'autre dans une atmosphère qui n'est pas sans rappeler celle des films de Hamilton. On signalera que la version française s'est permise de bien cisailler les plans les plus osés de cette magnifique séquence. Exit donc tout plan de poils pubiens et de petits fessiers nubiles. L'amateur se précipitera donc sur la splendide version intégrale italienne.
Très bien mis en valeur, les deux jeunes comédiens contribuent énormément à la réussite du film. Alfredo Pea qu'on avait découvert la même année dans le très violent Quelli che contano dans le rôle du pauvre adolescent boiteux est d'une étonnante justesse, simplement parfait dans la peau de Nico. Au vu de son talent, il est regrettable qu'Alfredo ait été par la suite cantonné dans le registre de la sexy comédie avant qu'il ne se tourne définitivement vers la télévision. Quant à l'américaine Susan Player Jarreau, sa mine boudeuse, ses lèvres charnues et ses airs de petite fille délurée rappelleront à beaucoup Theresa Ann Savoy époque La bambina. On pourra retrouver deux ans plus tard Susan dans le truculent beach movie Lâche moi les baskets avant qu'elle ne disparaisse. A leurs cotés, on appréciera le jeu très drôle de Riccardo Cucciola et la présence de la plantureuse Rosalba Neri, enlaidie par une coupe de cheveux crépue, qui incarne la bonne.
Metteur en scène de grand talent, Martino a réalisé une comédie érotique acide et satirique simplement superbe, pleine d'émotion et de tendresse sous ses airs scabreux, une véritable petite perle de ce filon érotico-morbide qui parvient à rivaliser avec le cinéma des plus grands. A découvrir de toute urgence.