L'ultimo treno della notte
Autres titres: La bête tue de sang foid / Le train de l'enfer / Le dernier train de la nuit / Night train murders / Last house part 2 / Violenza sull'ultimo treno della notte
Real: Aldo Lado
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: rape and revenge
Durée: 88mn
Acteurs: Macha Meril, Flavio Bucci, Gianfranco De Rossi, Enrico Maria Salerno, Marina Berti, Franco Fabrizi, Irene Miracle, Laura D'Angelo, Dalila Di lazzaro...
Résumé: Deux étudiantes prennent un train pour Verone afin de passer Noël en famille. Lors du voyage elles sont malmenées puis violées par deux voyous et une mystérieuse femme, une bourgeoise perverse qui s'est jointe à eux. Elles seront ensuite froidement tuées. Bien ironiquement, les deux voyous et la femme, arrivés à Verone, vont croiser le chemin des parents des malheureuses. Après avoir découvert qui ils étaient réellement, ils vont mettre en place un plan afin de se venger de ceux qui ont assassiné leurs filles...
Lorsque Wes Craven réalise en 1972 La dernière maison sur la gauche, il allait ouvrir la brèche à un genre qui s'avérera vite prolifique dans le cinéma d'exploitation transalpin, le rape and revenge. Nombreux furent ceux qui copièrent avec plus ou moins de bonheur le modèle original. Le film de Aldo Lado fait pour sa part partie des réussites tant par la cruauté du sujet que la vision de cette Italie en pleine crise qu'il donne.
Fortement décrié à sa sortie pour son extrême violence, aujourd'hui toute relative, la grande force de L'ultimo treno della notte réside dans ses personnages et son contexte politique. Contrairement à bon nombre de films du genre, les protagonistes ne sont pas juste des silhouettes, de simples caricatures, ils sont une représentation de l'Italie d'alors. La mystérieuse femme du train est la parfaite incarnation d'une bourgeoisie dépassée, décadente et odieuse, attachée aux anciennes valeurs qui refuse en bloc tout renouveau et d'abandonner ses privilèges. A l'image de la voilette derrière laquelle elle se cache, elle se masque les yeux sur les changements d'un pays en plein chaos. Elle est la perversion et la perversité de cette bourgeoisie débauchée tapie derrière l'élégance et les bonnes manières qui n'attend que le moment où elle pourra donner libre cours à ses pulsions et laisser parler sa haine.
Plus qu'un personnage, elle symbolise toute une classe sociale, toute une partie d'un pays dépassé. Sa cruauté et sa débauche parviennent à atténuer la sauvagerie des deux voyous, les catalyseurs de ses pulsions, auxquels elle s'associe par vice. Leur bestialité s'en trouve alors amoindrie. Ils pourraient apparaitre presque pitoyables aux yeux du spectateur. Pour Lado, cette jeunesse perdue et désillusionnée n'est que la victime de cette société vérolée, écrasée par la bourgeoisie et les valeurs d'antan. La relation entre cette femme et les deux voyous prend tout son sens ici. cette bourgeoise est attirée par la férocité des deux garçons qui symbolisent ses pulsions perverses alors qu'à leurs yeux elle est ce qu'ils détestent le plus, ce avec quoi ils aiment jouer. Face à eux, les deux étudiantes personnifient l'innocence, ce renouveau qu'on doit supprimer d'où l'acharnement barbare dont la femme fait preuve.
On retrouve également dans L'ultimo treno della notte ce contexte politique et social récurrent au cinéma italien d'alors, celui d'une Italie plongée dans la terreur, l'incertitude et la violence citadine, un pays qui tremble à la simple évocation des Brigades rouges. C'est dans ce climat d'insécurité pesant que prend racine le film de Lado.
En confinant l'histoire dans une unique unité de temps et d'espace, un train, la nuit, Lado parvient à créer une ambiance glauque, étouffante presque irréelle par instant comme s'il projetait le spectateur dans une autre dimension, celle d'un véritable cauchemar. Rien ne semble plus exister que ce compartiment dans lequel sont enfermées les deux jeunes filles face à leurs bourreaux, un vide écrasant où seule la pluie ruisselant sur les vitres dans l'obscurité de la nuit rappelle qu'il y a une vie extérieure, un salut éventuel. Grâce à un montage serré, parfois frénétique (l'alternance saccadée des scènes de fêtes et de tortures) il entretient ce climat de malaise par moment insoutenable ponctué par la souffrance des étudiantes, livrées corps et âmes aux instincts pervers de cette femme et à la violence des deux voyous, déchainés et drogués. Lado pousse le vice à faire du seul témoin de leur calvaire un voyeur ignoble qui malgré lui profitera de la situation. Toute cette partie particulièrement violente devrait donc réjouir les amateurs de perversion en tout genre, le réalisateur osant même quelques audaces visuelles comme la terrible défloration au couteau d'une des jeunes victimes, l'arme plantée dans le vagin de la malheureuse.
A cette partie presque surréaliste s'enchaine la deuxième partie, plus classique cette fois, la vengeance des parents des deux jeunes filles, qui reprend la trame de La dernière maison sur la gauche. Le plus intéressant est non pas la vengeance elle même, classique avec la mise à mort acharnée des deux voyous, mais une fois encore le traitement du personnage de cette femme qui ne perd rien de sa perversité, triomphante jusqu'à l'écoeurement lors d'un final acide et pessimiste. Sa voilette de nouveau sur le visage pour mieux continuer à se cacher, elle symbolise cette fois une ère qui n'est pas prête de changer, la puissance de la vieille bourgeoisie encore en place pour quelque temps du moins, l'image d'un avenir fort sombre pour ce pays
Rythmé par une inquiétante partition musicale signée Ennio Morricone, la chanson d'ouverture est joliment interprétée par Demis Roussos, L'ultimo treno della notte bénéficie d'une l'interprétation sans reproche de Flavio Bucci, Gianfranco De Rossi, Enrico Maria Salerno et surtout Macha Meril, extraordinaire. On notera l'apparition furtive de Dalila Di Lazzaro.
Judicieusement mis en scène, transgressif, L'ultimo treno della notte malgré ses défauts inhérents au cinéma de genre et les quelques incohérences de son scénario est un petit fleuron du Rape and revenge transalpin, un film bien plus intelligent qu'il n'y parait quand on analyse un tant soit peu le travail de Lado. Aujourd'hui encore L'ultimo treno della notte est une critique acerbe de la bourgeoisie, du Pouvoir et de ses multiples manipulations. En ce sens il fait sans aucun doute partie des meilleurs films du réalisateur.