Mort d'une muse: Lina Romay s'en est allée
Lina Romay de son véritable nom Rosa María Almirall Martínez égérie et compagne du réalisateur Jess Franco s'en est allée le 12 février 2012 emportée par un cancer foudroyant à seulement 58 ans.
Née à Barcelone en 1954, Lina était étudiante en arts dramatiques lorsqu'elle rencontra Jess Franco en 1970. Frappé par sa beauté et le charisme qu'elle dégage lorsqu'elle joue sur les planches, le célèbre metteur en scène alors en deuil de sa muse Soledad Miranda tragiquement disparue lui propose un rôle dans le film qu'il préparait alors, Dracula contre Frankenstein. Ce sera le début d'une longue collaboration qui durera 40 années durant lesquelles Lina sera non seulement son actrice fétiche mais aussi son assistante puisqu'elle co-réalisera certains films et en dirigera elle même une douzaine dont certains pornos.
Si Lina devient sa nouvelle muse, son égérie, elle sera aussi sa compagne même s'ils ne se marieront qu'en 2010. Jess Franco semblait fasciner par Lina tant et si bien qu'à travers elle il va s'exprimer, offrir au spectateur ce qu'il a de plus intime en lui, de plus sauvage. Lina incarne le coté ardent de la sexualité, la face primitive presque animale du sexe. Franco transcendera leur amour fusionnel, cette passion foudroyante qui les unit à travers les films qu'il écrira désormais en total accord avec Lina, admiratrice forcenée de l'oeuvre de son compagnon.
Pour beaucoup elle deviendra une forme de fantasme, pour une certaine génération elle est LA femme, féroce et incandescente, à la fois perverse et innocente, celle qui acceptera par amour de livrer son corps, impudique, indécente à l'objectif de son pygmalion en le suivant même dans l'univers de la pornographie avec toujours le même aplomb.
Déifiée par certains, vénérée par d'autres, Lina a tout joué durant sa carrière, touché à tous les genres mais deux de ses rôles les plus marquants resteront celui de ce vampire désespéré qu'elle incarna dans La comtesse perverse / Les avaleuses en 1973 et celui de Doriana Gray en 1976.
Ses talents d'actrice sont pourtant limités. Outre ce feu qui brûle en elle, ce charme typiquement ibérique, Lina dont le plus frappant reste le regard charbon ne sera jamais rien d'autre que l'objet des fantasmes de son compagnon, personnifiant le plus souvent la vulgarité aggravé par l'incapacité de Franco à filmer correctement des ébats charnels, à mettre en images l'érotisme, à le sublimer. Il n'est pas rare que la présence de Lina parvienne à gâcher ses efforts lorsqu'il arrive enfin à créer une certaine beauté, un climat parfois onirique réussi à l'instar de Macumba sexual. Souvent grossière, obscène dans le mauvais sens du terme, Lina tant dans l'érotisme que la pornographie n'a de fascinant que cette vulgarité, cette inélégance charnelle qu'aggraveront les ravages du temps.
Infatigable, Franco continuera pourtant à la filmer sous tous les angles jusqu'en 2010, année du de l'ultime film qu'ils tourneront, l'expérimental Paula Paula.
Si le débat entre les détracteurs du couple dont le Maniaco fait partie et leurs admirateurs invétérés restera ouvert encore longtemps, une figure emblématique du cinéma érotique et de la contre culture nous a quitté trop tôt. Franco a perdu sa muse, sa source d'inspiration et c'est au chagrin et à l'immense vide de sa vie désormais auxquels nous pensons.
Au revoir Lina.