Nighthawks
Autres titres: Urbania
Real: Ron Peck
Année: 1978
Origine: Royaume-Uni
Genre: Drame
Durée: 109mn
Acteurs: Ken Robertson, Rachel Nicholas James, Robert Merrick, Clive Peters, Stuart Turton, Tony Westrope, Maureen Dolan, Frank Dilbert, Peter Radmall, Ernest Brightmore, John Angel...
Résumé: Jim est professeur de géographie dans un collège de l'East London. Apprécié tant par ses élèves que par ses collègues, Jim a pourtant un secret. Il est homosexuel et mène une double vie que personne ne soupçonne. La nuit il erre les clubs et cruising bars en quête de sexe mais surtout en quête du grand amour. malheureusement le milieu gay ne lui offre que des plans d'une nuit ou de quelques jours. Un jour, sa classe le prend à parti, certains auraient eu vent de son homosexualité. Courageux, mis au pied du mur, Jim décide de répondre ouvertement aux questions des adolescents à ses risques et périls...
Premier long métrage du réalisateur Ron Peck, Nighthawks a mis plus de deux ans à voir le jour, financé en majeure partie par la télévision allemande. Il faut dire que Nighthawks, et c'est là son principal intérêt, fut le tout premier film anglais à traiter non seulement ouvertement de l'homosexualité mais également à situer son histoire à l'intérieur même de la communauté gay à travers son protagoniste principal, un jeune et brillant professeur de géographie qui la nuit erre dans les clubs, les bars homosexuels en quête d'un hypothétique grand amour.
Dix ans après qu'en Angleterre les homosexuels aient enfin eu le droit de vivre leur sexualité au grand jour, Nighthawks créa pourtant un énorme scandale lors de sa sortie. Réalisé à un moment charnière du cinéma gay qui voyait de plus en plus de films indépendants traiter de plein front les réels problèmes des homosexuels Nighthawks connu chez nous sous le titre Urbania brosse le portrait d'un jeune gay et de sa vie au quotidien en emmenant le spectateur au coeur de la communauté, l'immergeant dans les nuits chaudes des clubs, des backrooms, des cruising bars, seuls endroits où alors les hommes qui aimaient les hommes pouvaient vivre leur sexualité. On ose imaginer le choc chez la prude Albion même si Nighthawks n'est jamais que le reflet sans détour de ce à quoi étaient alors condamnés les homosexuels... mais cela a t-il changé... coincés entre leurs rêves, la réalité du milieu et les éternels interdits de la société.
Particulièrement réaliste, loin des clichés qu'offrait alors le cinéma, le film de Ron Peck est avant tout un constat amer, désillusionné de la vie gay. Jim, jeune professeur de collège appartenant à la middle-class londonienne, est aux yeux de ses élèves et de ses collègues un homme brillant dont personne n'imagine la double vie. La nuit Jim erre inlassablement dans les boites afin de trouver le grand amour mais il ne fait que des rencontres que d'une nuit, de quelques jours, l'espoir de s'accrocher à un homme disparaissant à chaque fois.
Hormis son aspect sociologique et sa vision très juste de la middle-class anglaise d'alors, Nighthawks est aussi une vision parfaite du milieu qui d'amour ne retient que le mot sexe. Jim est l'incarnation de tous ces hommes qui rêvent du grand amour, passe leur vie à le chercher et à y croire mais ne trouvent dans le milieu que sexe et illusions.
Dans un sens, Ron Peck célèbre ce mode de vie très libertin qu'est l'homosexualité, cette liberté sexuelle qu'il lui est inhérente, la joie des homosexuels qui pouvaient malgré tous les préjudices qu'ils subissaient encore vivre pleinement et jusqu'à plus soif de leur sexualité. Dans un autre sens, il en montre le revers de la médaille. Trouver l'amour, vivre en couple n'est qu'une illusion, ce n'est qu'une incessante ronde sexuelle où l'on se perd en espérant toujours un jour trouver celui qui partagera sa vie. Si Jim est ouvert d'esprit et ne cache pas forcément son identité sexuelle, le fait de n'avoir aucun ami stable n'arrange pas la vision de l'homosexualité déjà fort délicate au départ.
Empreint d'un certain désespoir à l'image de ce Londres hivernal et gris, Nighthawks se présente le plus souvent comme un documentaire avec ses images prises sur le vif, ses longues scènes filmées caméra à l'épaule, toute cette faune nocturne qui peuple les nuits londoniennes. Peck y ballade sa caméra, y capte les regards, s'attarde sur le visage de son héros, l'oeil vide. C'est peut être là le principal défaut de Nighthawks qui trop souvent se transforme en une sorte de film amateur ennuyeux. S'étirant sur quasiment deux heures, il aurait gagné en force en évitant ou plutôt en diminuant de longueur certains passages notamment les interminables scènes de boites, plutôt inutiles, où tout le monde n'en finit plus de danser, les longs plans séquences de quatre à cinq minutes où Jim discute avec son amie... Ces moments particulièrement brisent définitivement un rythme déjà lent au départ qui risque d'avoir raison des plus endurcis d'autant plus s'ils ne supportent pas la musique disco, souvent stridente, qui berce tout le film.
Nigthawks contient tout de même un joli moment de bravoure, fort réaliste, celui où Jim est confronté à ses élèves ayant eu vent de son homosexualité. Il choisit de leur répondre ouvertement et d'en parler avec sincérité, affrontant quolibets, rires et curiosité de la part des adolescents. S'il sortira plus fort de cette épreuve, c'est sur une note pessimiste que le film se conclura. Jim continuera à faire le tour des clubs et des bars en quête de sexe et d'amour,
On appréciera le regard triste de Ken Robertson, acteur dont ce fut le seul et unique grand rôle au cinéma mais également assistant réalisateur sur le film. A ses cotés quelques acteurs confirmés tels que Rachel Nicholas James et une kyrielle de non professionnels jouant leur propre rôle.
Très prude au niveau de la nudité, on se satisfera d'un seul plan de nu frontal de Ken Robertson, Nighthawks est un film-réalité assez déconcertant non pas dans son fond mais sa forme mais il n'en demeure pas moins une oeuvre précurseur d'un certain cinéma gay indépendant qui allait par la suite beaucoup s'en inspirer. Voilà une simple et bonne raison de visionner et apprécier à sa juste valeur Nighthawks dont le sujet principal est toujours autant d'actualité.
Une suite allait être mise en chantier 13 ans plus tard: Nighthawks 2: Jack stripped naked qui est en fait une sorte de making of du premier film truffé d'interviews et de commentaires du réalisateur.