Malamore
Autres titres:
Real: Eriprando Visconti
Année: 1982
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 93mn
Acteurs: Nathalie Nell, Jimmy Briscoe, Antonio Maria, Serena Grandi, Remo Girone, Monica Scattini, Leonardo Treviglio, Leopoldo Trieste, David Brandon, Renata Zemenco, Elisabeth Kaza, Cinzia Cavalieri, Cesare Barrett...
Résumé: Durant la première guerre mondiale dans une petite ville vénitienne, Marcello, un aristocrate de petite taille, tombe éperdumment amoureux de Maria, une prostituée du bordel local. Malheureusement le proxénète de Maria ne l'entend pas de cette manière et bien hypocritement va tenter de briser cette relation. Leur amour est également menacé par la méchanceté de deux infirmes, un mutilé et un aveugle. Leur relation se terminera de la plus dramatique manière...
Ultime film de Eriprando Visconti, Malamore, très difficile à visionner aujourd'hui, est sa vision du monde particulièrement amère et pessimiste qu'il projette dans le cadre d'une Italie en pleine tourmente de la première guerre mondiale. A travers l'histoire d'amour d'un nain et d'une prostituée, Visconti dresse le tableau d'une société où l'Homme est incapable de trouver le juste équilibre entre ses propres désirs et ceux d'autrui, où il a beaucoup de mal à accepter ce qu'il est, ce qui le place constamment en position d'échec.
Tout comme dans La orca - La Oedipus orca et Caresses bourgeoises, Visconti traite de la difficulté d'aimer et du coté destructeur des sentiments. Malamore se veut une puissante métaphore truffée de symboles qui rendent la lecture du film assez complexe tant et si bien que le spectateur aura parfois du mal à les décrypter.
Ceux qui attendraient de Malamore un film pervers seront fort décus. Le nain de Visconti est loin d'être l'être difforme et monstrueux, vicieux que le cinéma aime dépeindre. c'est ici un simple être de petite taille qui s'est arrêté de grandir et qui n'a rien de repoussant. Il est surtout et avant tout le symbole de la différence puisque par extension dans le langage des gens de taille dite normale devient nain tout ce qui plus petit qu'eux.
La nanisme est ici plus mental que physique et l'être humain tente de pallier ses manques par ce qu'il possède. En fait, tout le monde utilise tout le monde et c'est ce cercle qui est est ici vicieux pas le nain. Il est quant à lui un aristocrate aisé qui utilise sa fortune pour se faire accepter, la femme se sert de sa beauté et se prostitue pour vivre, le maquereau use de sa sympathie pour s'enrichir, la vieille femme se sert d'un invalide pour jouir une dernière fois, le mutilé et l'aveugle sont amis car l'un a besoin de l'autre pour survivre, la prostituée naine si elle ne peut être un objet de désir sera servante. Tout dans la vie a un revers. L'amour est dangereux et peut se transformer en une véritable maladie qui vous ronge alors que la passion se fait souvent perverse.
Pour son dernier film, Visconti a peut être tout simplement aussi voulu à travers Malamore dépeindre ce qu'est réellement l'univers du cinéma que pourrait bien représenter ce bordel rempli de femmes avides, de profiteurs et de faux amis, prêts à tous les coups bas où Visconti se mettant alors en scène serait lui même ce nain.
Malheureusement malgré de superbes décors d'époque, une atmosphère très vénitienne, une peinture acide de l'aristocratie, Malamore distille rapidement un sentiment d'ennui dû en grande partie à une mise en scène plutôt plate et le manque d'épaisseur notamment sur le plan psychologique des différents protagonistes. La trame narrative s'en trouve considérablement réduite et l'ensemble demeure trop superficiel. Voilà qui est fort regrettable de la part d'un auteur comme Visconti qui pour cet ultime effort n'a pas retrouvé la force de ses précédentes oeuvres.
Reste l'élégance de l'ensemble et son pessimisme, sa froideur et l'interprétation d'une jolie brochette d'acteurs qui savent jouer sur différents registres émotifs avec une certaine aisance, Nathalie Nell, Antonio Marsina et le nain Jimmy Briscoe en tête. A leurs cotés, on reconnaitra Serena Grandi à ses débuts dans le rôle d'une prostituée, David Brandon, Leonardo Treviglio, l'inoubliable Sebastiane de Derek Jarman, et Remo Girone.
Malamore est un mélodrame qui sans être forcément raté passe peut être trop à coté de ses réelles ambitions. Le film, présenté à la Mostra de Venise, fut jadis méprisé par la critique et rejeté par le public. Il ne connut aucune réelle sortie officielle et sombra vite dans l'oubli. Jamais édité si ce n'est dans une unique et vieille édition vidéo italienne, le film est aujourd'hui devenu une réelle rareté.