Salo pleure une des siennes: Caterina Boratto s'en est allée
L'univers Pasolinien est en deuil. C'est avec une émotion non dissimulée que nous apprenons la disparition de la grande actrice Caterina Boratto. Elle s'est éteinte à Rome mercredi 14 septembre 2010 à Lazio dans l'aprés midi à l'âge canonique de 95 ans.
Si Caterina n'est peut être pas trés connue de la nouvelle génération, son nom pour les plus anciens restera à jamais attaché au grand cinéma italien des années 30 et 40 même si pour beaucoup elle restera à jamais une des quatre terrifiantes narratrices de Salo et les 120 jours de sodome de Pasolini. Elle incarnait la plus cruelle de toutes, la Castelli, lors de l'ultime cercle, celui du sang.
Caterina est née à Turin le 15 mars 1915. Si elle se destinait à la musique le destin en décidera tout autrement. Sur les conseils de sa professeur de chant, le réalisateur Guido Brignone lui propose le rôle principal de Marcella puis de Vivere avant de se retrouver aux cotés de Vittorio De Sica dans Hanno rapito un uomo en 1938. Caterina a 23 ans, l'Amérique l'acclame et en fait une star hollywoodienne. Elle va incarner la beauté altière avec grâce et majestuosité, empreinte de ce voile de détachement qui lui donne cet air de mystère, d'inaccessibilité. Ses talents d'actrice n'ont d'égal que son élégance et sa radieuse beauté, sa maturité dissimulant une grande mélancolie que reflète ses yeux bleus pastel. Caterina incarnera ce type de femmes, illuminant les écrans de sa beauté lumineuse et froide.
Malheureusement la guerre va prématurément mettre un terme à sa fulgurante carrière. Elle quitte les Amériques pour retourner en Italie où sa vie va prendre des airs de tragédie. Elle perd non seulement son grand amour, le comte Guidi Di Romena, mais également ses deux frères. Dans l'Italie fasciste, les Boratto sont dans la ligne de mire. Caterina doit fuir et se terre dans la clinique de son futur mari, un partisan qui met en danger la vie de la belle Caterina.
A la fin de la guerre, dans une Italie ravagée, Caterina ne retrouvera plus sa gloire d'antan. Exilée à Rome avec son mari et leur fille Martina, elle tente son retour au cinéma grâce à ses amis comédiens. C'est Fellini qui lui offre une deuxième chance en lui proposant deux rôles emblématiques en 1963 dans 8 ½ puis en 1965 dans Juliette des esprits.
Caterina va par la suite continuer de tourner mais elle ne parviendra plus jamais à regagner ce que la guerre lui a pris. Elle se contente de seconds rôles toujours trés distingués comme dans Diabolik de Mario Bava où elle interprète Lady Clark, Le château du diable de Sydney Pollack ou encore La religieuse de Monza de Eriprando Visconti.
Les années 70 voient ses rôles s'effilocher. Elle est la mère d'Eleonora Giorgi dans Storia di una monaca di clausura de Domenico Paolella avant que Pasolini ne lui offre le rôle de la Castelli dans Salo et les 120 journées de sodome qui la rendra éternelle auprés de tout un public.
Par la suite, Caterina se dirigera vers l'opérette, le théâtre et la télévision. On la verra encore au cinéma dans La nuit des Varennes ou Le tueur de la pleine lune de Ruggero Deodato sans oublier son petit rôle de sorcière dans Sensitiva / La diablesse de Enzo Castellari ou Un cas d'innocence avec Brigitte Fossey et John Steiner.
Celle qui fut dans les années 30 et restera à jamais la fierté de l'Italie dans les lointaines Amériques, digne représente glamour de la Femme mystère, s'en est allée, paisible, laissant aprés Sonia Saviange, Uberto Paolo Quintavalle et Aldo Valletti un nouveau fauteuil vide dans la grande salle des dignitaires et narratrices de Salo.
Au revoir Caterina!
Pour de plus amples informations sur cette immense dame qu'était Caterina Boratto vous pouvez consulter notre dossier Les Maîtres de Salo et Les enfants de Salo