Gran bollito
Autres titres: Black Journal / La signora degli orrori / La saponificatrice / Solo dios sabe la verdad
Real: Mauro Bolognini
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Drame / Horreur
Durée: 107mn
Acteurs: Shelley Winters, Max Von Sydow, Laura Antonelli, Antonio Marsina, Adriana Asti, Milena Vukotic, Renato Pozzetto, Liù Bosisio, Alberto Lionello, Mario Scaccia, Franco Branciaroli, Maria Monti, Rita Tushingham, Giancarlo Badessi...
Résumé: Léa est une femme respectable et respectée de tous. Pourtant elle cache un terrible secret. Aprés avoir perdu sept enfants, elle est parvenue à avoir un fils qu'elle chérit et surprotège aujourd'hui. Rongée par le désespoir et le sort, elle est devenue un monstre qui voue une haine féroce envers la Femme. Ainsi, elle tue ses amies en les empoisonnant et fait de leur corps des petits gâteaux secs et des savons qu'elle vend ensuite. Un jour, son fils tombe amoureux de Sandra. Trés vite, Léa deteste la jeune fille qui tôt ou tard lui volera son fils. Elle doit la tuer. Tout va basculer le jour où Lui apprend que Sandra est enceinte...
Eminent réalisateur italien, on ne s'attendait guère à ce que Mauro Bolognini fasse une incursion dans le cinéma de genre. Ce fut pourtant le cas en 1977 avec Gran bollito connu sous une multitude d'autres titres et resté inédit en France si on excepte une sortie vidéo tronquée.
Tiré d'une histoire vraie, celle de Leonarda Cianciulli dite la saponificatrice, Gran bollito est un film qui mêle avec adresse les univers de Pasolini, de Fassbinder et d'Avati. On y retrouve en effet le reflet de cette pauvreté si chère au réalisateur de salo, l'effondrement des valeurs sociales du célèbre réalisateur allemand et l'univers rural lugubre du metteur en scène de La maison aux fenêtres qui rient.
Véritable film d'atmosphère plus qu'un film d'horreur traditionnel, Gran bollito conte le parcours tragique d'une femme, Léa, que la vie n'a jamais épargné. Aprés avoir perdu sept enfants, elle est enfin parvenue à avoir un fils, Claudio, qu'elle couve désormais et surprotège. Sous ses airs de femme joviale et vive se cache en fait un monstre qui tue ses amies qu'elle empoisonne avant de transformer leur corps en savons d'une extraordinaire douceur et délicieux petits gâteaux qu'elle sert ensuite avec le thé. Le jour où son fils tombe amoureux d'une danseuse, Sandra, Léa perd définitivement la raison et n'a plus qu'une idée en tête: faire disparaître à son tour cette femme qui tôt ou tard lui volera ce fils à qui elle a donné la vie dans la douleur et les larmes.
Gran bollito est l'illustration parfaite de la souffrance et des tourments d'un être ravagé par l'implacabilité de la vie qui lentement en a fait un monstre empli de haine. La femme est devenue à ses yeux un être vicieux, une créature impure génératrice de vie et future menace pour ce fils chéri qu'elle lui volera. Toute femme doit par conséquence mourir. Plus qu'un film sur la folie, Gran bollito traite avant tout du désespoir d'un être dont l'ombre de la mort le ronge comme un cancer.
Pourtant le film de Bolognini reste une oeuvre atypique. S'il avait pu vite se transformer en un film d'horreur classique, Bolognini a donné à la mort un son, sinistre et mélancolique, à la douleur et l'horreur une dimension presque belle, poétique. Il a donc préféré choisir un ton radicalement différent des films d'horreur habituels. Gran bollito est en effet une oeuvre essentiellement d'atmosphère, raffinée, veloutée et particulièrement macabre. Il signe là un film noir, froid, empli de détresse où tous les protagonistes vivent non seulement dans le tourment de la seconde guerre mondiale toute proche mais aussi dans leurs malheurs respectifs, torturés par leur passé. Ainsi le mari de Léa est impotent, sa servante est une arriérée mentale, ses amies sont toutes quant à elles névrosées et incapables de donner la vie. Bolognini choisit également la voie de la farce grotesque afin de renforcer l'aspect glauque et malsain de l'ensemble en faisant jouer certains rôles féminins par des hommes travestis.
S'il a privilégié l'aspect feutré, Gran bollito n'est pourtant pas avare de plans sanguinolents. A l'aide de son hachoir, Lui tue impitoyablement ses victimes dans sa cuisine, sur sa table, avant de les décapiter et récupérer leur sang dans son immense chaudron où surnagent les restes des corps dont elle se sert pour faire ses savons.
Bouleversante, pathétique, la grande Shelley Winters campe Léa jouant à la perfection sur toutes les facettes de ce personnage complexe rongé par la folie et la haine. A ses cotés Max Von Sydow dans le double rôle du commissaire et de Lisa, l'amie de Lui, la lumineuse Laura Antonelli, la frêle Adriana Asti et un tout jeune Antonio Marsina complètent une distribution où chacun laisse exploser ses talents de comédien.
Rythmé par une trés belle partition musicale mélancolique à souhait signée Enzo Jannacci, Gran bollito doté de dialogues aussi subtils que pertinents est un petit écrin d'humour noir empreint de désespoir, un film bouleversant qui allie intelligemment horreur et tragédie humaine, un film à découvrir ou redécouvrir de toute urgence.