La campana del infierno
Autres titres: La cloche de l'enfer / A bell from hell / La campana dell'inferno
Real: Claudio Guerin
Année: 1973
Origine: Espagne / France
Genre: Fantastique
Durée: 90mn
Acteurs: Renaud Verley, Viveca Lindfors; Alfredo Mayo, Maribel Martin, Christina Von Blanc, Nuria Gimeno, Nicole Vesperini, Saturno Cerra, Erasmo Pascual, Susana Latour, Tito Garcia, Angel Blanco...
Résumé: Juan vient de sortir de l'hopital psychiatrique où il a passé plusieurs années aprés que sa tante l'y ait fait enfermé. Il rentre chez lui et retrouve non seulement sa tante désormais impotente mais également ses trois jeunes cousines. Si plus que jamais sa tante le hait ouvertement cela n'empêche pas Juan de jouer à des jeux aussi macabres que sexuels avec ses trois cousines avec qui il entretient de bien étranges relations. L'ainée le hait tandis que la cadette en est amoureuse. Sa tante finit par le déshériter mais Juan découvre que son internement n'était qu'un complot afin de l'éloigner à jamais de la famille. Le jeune homme est bien décidé à se venger mais l'arrivée de la nouvelle cloche de l'église va faire basculer à jamais le destin de chacun...
Ce petit écrin du cinéma fantastique espagnol trés proche des contes d'Edgar Allan Poe peut être vu comme une allégorie sur la vie et la mort dans une Espagne alors sous le régime franquiste.
Film essentiellement d'atmosphère, La cloche de l'enfer et non pas Les cloches de l'enfer comme on peut parfois le voir écrit nous plonge dans un univers gris, humide et triste où le passé n'a de cesse de revenir hanter le héros, Juan, fraîchement sorti d'un asile psychiatrique où sa vieille tante aujourd'hui impotente l'avait fait enfermer jadis pour son comportement macabre et la vie dissolue et particulièrement anticonformiste qu'il menait.
A cet univers morbide et délétère s'ajoutent les désirs interdits, une puissante aura sexuelle alliant frustrations et inceste, amour, haine et répulsion qui s'expriment lors de simulacres de viols et d'abus de toute sorte dans un climat sordide de folie ostentatoire.
Reste à savoir si Juan est réellement fou ou s'il simule la folie pour mieux se venger de cette famille qui l'a toujours haï et ainsi découvrir les manigances de chacun à son encontre afin de parvenir à le faire douter de sa propre santé mentale.
Fou ou terriblement lucide voilà tout le paradoxe alors que plus avance le film plus l'atmosphère devient étouffante, oppressante jusqu'au jour où la nouvelle cloche de l'église du village va faire basculer la vie de chacun et scellera à jamais leur destin.
A partir de cet instant et jusqu'à l'ultime image aussi curieuse qu'ambigue La cloche de l'enfer plonge son public dans un univers fantastique où le spectateur retrouvera au détour de quelques séquences l'ambiance des vieilles légendes anglaises si chères aux romanciers. Guerin semble s'être par instant inspiré de ce cinéma fantastique "so british" dont il impreigne par petites touches son oeuvre du début à la fin notamment lors de séquences tout aussi magnifiques qu'effrayantes. Les apparitions du vieil ermite reclus au fond de la forêt toute proche du cimetière où les arbres ont pris racine entre les tombes et dont les sinistres prophécies ponctuent de façon lugubre le film se rapprochent d'un certain onirisme macabre, à la fois belles et épouvantables. On ne peut que songer aux productions de la Hammer lorsque Juan au milieu du salon glacial conte l'histoire des fantômes de ses trois cousines mortes un jour de brouillard alors que lentement la pièce s'emplit de brume d'où trois sombres silhouettes encapées surgissent au ralenti. Plus en avant, on pourra y voir également une jolie parabole religieuse sur le passage de la vie à la mort
Monté comme un angoissant puzzle dont l'ultime pièce trouvera sa place lors du final, La cloche de l'enfer se permet également quelques moments de cruauté et de sadisme assez étonnants. Des scènes d'abattoir trés réalistes et souvent insoutenables où on tue et décapite des boeufs que certains trouveront écoeurantes et gratuites répondent en fait les tortures que Juan fait subir à ses cousines tandis que sa mise à mort sera l'écho de ces abominations. Alors qu'on célèbre l'inauguration de la nouvelle cloche de l'église, Juan est emmuré vivant dans le clocher et pendu à la corde de la cloche qui l'étranglera dés qu'elle sera activée.
Si tout semblera se conclure dans une implacable logique, le réalisateur préfère pourtant boucler la boucle en offrant au spectateur une sorte de fin ouverte bien ambiguë qui laissera ainsi son esprit vagabonder et donnera l'occasion à chacun d'imaginer ses propres interprétations, rationnelles ou non. Machiavélique plan d'une implacable logique ou vengeance d'outre-tombe, on retrouve une fois de plus ces énigmes si chères au cinéma anglais qui devrait en délecter plus d'un.
Plutôt lent dans sa mise en scène, La cloche de l'enfer se rattrape par son atmosphère oppressante et le jeu de ses différents interprètes, totalement investis dans leur rôle, le jeune Renaud Verley dans la peau de Juan et l'excellente Viveca Lindfors, vieille tante impotente et aigrie, en tête.
Inquiétant, bizarre dans la plus pure définition du terme Fantastique, le film de Guerin est avant tout fait de symboles et d'images aussi bien religieuses, politiques et sociales que chacun interprétera à sa façon. On est ici proche d'un certain cinéma surréaliste espagnol que n'aurait pas renié Bunuel auquel Guerin aurait ajouté quelques inspirations du cinéma fantastique anglais. Aussi poétique que cauchemardesque, particulièrement subversif pour l'époque dans son discours, Juan incarne en fait l'anti-conformisme, le renoncement à toute forme de contraintes quelqu'elles soient, la révolte anti-bourgeoise, il est le fou et pour cela il doit donc être enfermé, La cloche de l'enfer est un film qui s'ancre pour cela dans ce cinéma fantastique espagnol plutôt audacieux des années 70.
Véritable curiosité méconnue, le film de Guerin mérite à tout point de vue d'être (Re)découvert par l'amateur d'un certain cinéma fantastique avant tout hors norme et cérébral.
Ce fut là l'ultime film du réalisateur qui trouva la mort lors du tournage puisqu'il chuta du haut du clocher spécialement construit pour les besoins du film. Dramatique accident ou suicide, le mystère resta entier mais contribua à renforcer le coté sinistre de l'histoire.