Jean Rollin
C'est avec une grande tristesse que nous apprenons la disparition du cinéaste Jean Rollin le 15 décembre 2010 des suites d'un cancer qui le rongeait depuis déjà quelques années. Le cinéma fantastique français pleure désormais celui qui depuis tant d'années tenta avec force et dévotion de lui donner certaines de ses lettres de noblesse à travers une oeuvre riche mais malheureusement trop souvent décriée.
Jean Rollin fut dés le début de sa carrière un des ardents défenseurs de ce cinéma trop souvent oublié en France. Tant bien que mal, avec peu de moyens mais beaucoup d'imagination et surtout de cette poésie qui sera sa griffe, il imposa son style et son sens de l'esthétique aux limites de l'onirisme macabre, envoûtant et hypnotique.
Si dés la fin des années 60 jusqu'aux années 80, il fit du vampirisme un de ses thèmes de prédilection, envahissant nos cimetières et campagnes de jeunes filles diaphanes aux crocs acérés, c'est en 1958 que Jean Rollin, né le 3 novembre 1938 à Neuilly sur Seine, débuta dans le métier en signant quelques courts-métrages. Ce passionné de cinéma qui fut un temps l'assistant de Bunuel, après un projet avorté avec Marguerite Duras, tournera son premier film en 1968, Le viol du vampire, qui verra son introduction dans un univers qui lui sera propre, celui du surréalisme. Le film fera scandale à sa sortie, emmenant Rollin à se poser la question si oui ou non il doit poursuivre sa carrière de metteur en scène.
Il continuera néanmoins sur cette voie et fera du vampirisme un sujet quasi personnel avec toute une série de films aussi surréalistes qu'oniriques, imposant sa patte si reconnaissable. Requiem pour un vampire, Le frisson du vampire, Lèvres de sang, La vampire nue, Les démoniaques, La rose de fer sortent les écrans sur les écrans français mais rejetés par la critique et essuyant échec sur échec, Rollin doit pour survivre tourner quelques films érotiques alimentaires, Tout le monde il en a deux et Jeunes filles impudiques avant de se voir contraint de réaliser une série de films pornographiques. Malgré un cercle d'initiés, l'originalité de ses films, l'oeuvre de ce peintre de l'image est méprisé tant des professionnels que du public.
Au début des années 80 Jean Rollin va s'orienter vers un cinéma d'horreur plus traditionnel en tournant quelques films inspirés d'un thème alors fort à la mode: les morts-vivants. C'est ainsi qu'il met en scène Les raisins de la mort, La morte vivante et Le lac des morts-vivants qui au départ devait revenir à Jess Franco, son homologue espagnol. Il tourne également deux films plus personnels, Fascination et La nuit des traquées. Malheureusement, la critique et le public lui sont toujours aussi hostiles. La fermeture des petites salles de cinéma qui se spécialisaient dans ce cinéma n'aide pas Rollin qui dés la fin des années 80 va se faire fort discret et se consacrer à l'écriture.
Sa tentative de retour au cinéma en 1993 avec Killing car est un retentissant échec. Il quitte alors les plateaux de tournage jusqu'en 2002 où Rollin resurgit avec Les deux orphelines vampires et La fiancée de Dracula qui tentent de retrouver maladroitement l'ambiance de ses premiers films suivi de La nuit des horloges et Le masque de la Méduse, son ultime soubresaut dans un univers cinématographique qui n'a jamais su reconnaître ni son talent d'esthète et ni sa verve poétique.
Jean Rollin s'en est tristement allé à l'âge de 72 ans. Espérons que là où il est, il soit entouré de ces délicieuses créatures blafardes et évanescentes qui ici bas l'inspirèrent tant.
Pour le cercle d'initiés qui le suivit tout au long de cette prolifique carrière, c'est un grand vide qu'il laisse. Nous espérons simplement que son oeuvre soit un jour enfin redécouverte et surtout estimée à sa juste valeur.
Adieu Jean!