Amours particulières
Autres titres: Malaise / The room of chains
Real: Gérard Trembasiewicz
Année: 1972
Origine: France
Genre: Polar / Erotique
Durée: 79mn
Acteurs: Evelyne Ker, Jacques Bernard, Olivier Neel, Nathalie Nort, Jean Rougerie, Claude Roman, André Lambert, Suzy Hannier, Georges Lucas, Christian Forges, Danielle Boucher, Elisabeth Mansart...
Résumé: Georges est antiquaire. C'est un mari modèle et commerçant respecté. Il a pourtant une double vie que sa femme ne soupçonne pas. Homosexuel refoulé, il écume la campagne en compagnie de son amant afin de kidnapper des jeunes filles. Ils les emmenent alors dans la propriété de l'antiquaire pour les y attacher nues afin de les flageller et se repaître de leur souffrance avant de les relâcher. La police enquête alors sur celui que la presse a surnommé Le sadique de Vernon...
Oublié de puis bien des décennies, Amours particulières sorti en video sous le titre Malaise est une oeuvre étrange aussi étonnante que curieuse qui tente tant bien que mal de mettre en scène une histoire trouble et troublante aux relans sulfureux.
On pénètre en effet dans l'univers malsain d'un antiquaire de province, marié et homosexuel refoulé, dont le plaisir est avec son amant et complice d'enlever des jeunes filles, de les retenir prisonnières dans son manoir pour les attacher nues, les caresser, les flageller et les voir souffrir avant de les relâcher. Jamais il ne les viole, leur seule souffrance lui donnant le plaisir recherché.
Sur cette trame, Gérard Trembasiewicz dont ce fut le seul et unique film construit une oeuvre plutôt maladroite, pleine d'incohérences mais pourtant pleine de bonne volonté. Rares sont en effet les tentatives de cinéma d'exploitation françaises et en ce début d'années 70 seul Jean Rollin tentait de donner ses lettres de noblesse à un certain cinéma Bis made in France.
Si Les amours particulières fait par instant penser aux films de Rollin, on pourrait également le rapprocher d'oeuvres plus subversives tels que La philosophie dans le boudoir de Scandelari même si Trembasiewicz ne sombre jamais dans le scabreux ou de Jess Franco pour quelques séquences trés réussies où à travers toute une série de filtres rouges, il se fait suivre des images de femmes enchainées et flagellées qui se mèlent à des icônes chrétiennes et des statues masculines dont il détaille le pénis. On songera également à Boris Szulzinger avec son Sexe de la violence / Les tueurs fous où on retrouve l'homosexualité de deux voyous au centre d'une descente dans la violence urbaine.
Outre ces quelques séquences et un générique alléchant qui reprend quelques scènes de maltraitances à venir dans le film, Amours particulières n'atteint pas l'objectif qu'il semble s'être donné au départ. En fait, il s'agit là d'un petit film Bis qu'on pourrait qualifier de provincial, témoin de son époque, celle où on osait sans réellement oser, celle où on voulait déranger sans pour autant mettre mal à l'aise un spectateur encore réticent. Cela ne veut pas dire que le film est dénué d'intérêt bien au contraire.
Hormis le sens du bizarre qu'entretient le réalisateur une bonne partie du métrage, on retiendra au crédit du film le personnage de ce maniaque plutôt particulier. Georges est un antiquaire marié à une charmante épouse qui ne se doute nullement de la double vie de son tendre mari. Homosexuel refoulé, il a pour amant son assistant, Marc, avec qui il écume la campagne revêtu d'un masque monstrueux afin de kidnapper des jeunes filles. Conduites dans sa propriété, ils les observent simplement souffrir tous deux revêtus d'une robe de cérémonie. Car Georges ne les torturent jamais, il se contente de les attacher nues, de les fouetter avec douceur et les caresser avec passion avant de les relâcher. Le plaisir passe simplement par la vision de la beauté de la souffrance féminine, source d'excitation pour les deux amants.
Faut il y voir une sorte de mysoginie, une forme de haine envers la femme de la part de cet homosexuel schyzophrène contraint d'incarner l'époux modèle? Trembasiewicz dépeindrait il l'homosexualité comme une dangereuse maladie, source de tares, comme il était souvent question dans le cinéma des années 70? Les personnages sont trop peu développés pour qu'on puisse réellement les cerner et comprendre leurs agissements, la psychologie ne semble guère être le point fort du réalisateur qui laissera son spectateur à ses réflexions.
Outre ce personnage singulier, ce monstre trop humain qui écume la campagne que la presse à surnommer Le sadique de Vernon, les quelques effets psychédéliques et les trop rares séquences de douce souffrance toute empreinte d'un érotisme vénéneux, cette ambiance de bizarre aux limites par instant d'un certain onirisme malsain, Amours particulières qui font certainement référence à l'homosexualité des protagonistes peut être vu comme un réquisitoire à l'encontre de la société d'alors, rigide et fermée, et des moeurs. Tout au long du film, on notera une multitude de détails qui écorchent les institutions tant sociales que religieuses en place. Nous ne seront pas surpris de voir que ce sont notables et bourgeois qui sont une fois de plus vérolés. Le sadique est un mari idéal qui assiste aux messes, un élu du conseil régional et commerçant respecté, les gendarmes sont tous des abrutis débonnaires et obsédés sexuels, la famille est dépeinte comme archi-conservatrice par le biais du père revêche et anti-soixante-huitard tandis qu'on aperçoit une image déchirée de Pompidou.
Pour tout cela Amours particulières interpellera et ne laissera pas indifférent même si parfois on aura tendance à sourire face au ridicule de certaines scènes ou faire avance rapide durant d'interminables palabres entre le mari et sa femme.
On regrettera malheureusement le peu de crédibilité de cette histoire et l'oubli dont sont victimes certains personnages comme Marc, l'amant du sadique relégué au simple rang de faire-valoir et interprété par le trés homo-érotique Olivier Neel dont ce fut malheureusement la seule et unique prestation face à la caméra.
On aurait peut être aimé plus de démonstration puisque Trembasiewicz suggère plus qu'il ne montre. C'est à peine si on aperçoit ici un sein, la nudité reste trés sage malgré le propos du film. Quant à l'homosexualité elle est surtout suggérée par de longs regards et une scène de lit où les deux amants se couchent tête contre tête en évoquant leurs futurs exactions.
On soulignera la trés belle musique du film signée Guy Skornik en totale décalage avec le sujet lui même et la chanson éponyme qui revient sans cesse comme une ritournelle aussi entêtante que romantique.
Oscillant entre amateurisme érotico-provincial, souffle d'auteurisation, cinéma d'exploitation français et égratignure sociale, Amours particulières devrait faire le régal des amateurs de curiosités françaises d'un autre âge que la maladresse rendent attachantes.