No one sleeps
Autres titres:
Real: Jochen Hicks
Année: 2000
Origine: Allemagne
Genre: Thriller
Durée: 108mn
Acteurs: Tom Wlaschiha, Irit Levi, Jim Thalman, Richard Conti, Charles Shaw Robinson, Kalene Parker, Paul Arthur, Ron Athey, Cody Baine, Cody Burke, Sherry Al-Mufti, Robert Bustamante...
Résumé: Stefan, jeune étudiant Berlinois à San Francisco, prépare une thèse sur les théories que son père jadis élabora quant aux origines du HIV. Le virus selon lui aurait été crée en secret par le Pentagone dans les années 80 afin d'en faire une redoutable arme biologique. Il aurait été testé sur des cobayes humains dont certains auraient réussi à fuir. Ceux ci ont alors été asassinés afin d'éviter toute fuite. Un psychopathe décime de jeunes homosexuels dans le milieu gay de San Francisco. Stefan découvre que les victimes sont d'anciens cobayes. Il va lentement plonger au coeur d'une terrifiante aventure afin de prouver les affirmations de son père alors qu'il tente de gagner l'amour de Jeffrey, un aussi énigmatique que dangereux homosexuel refoulé rongé par son désir de mort...
Nouveau et talentueux réalisateur gay allemand venu du court métrage, Jochen Hicks aprés quelques films prometteurs et un documentaire osé sur l'univers homosexuel à Los Angeles judicieusement apellé Sex life in L.A, nous propose cette fois un passionnant thriller situé au coeur de San Francisco.
No one sleeps prend pour principal thème la théorie selon laquelle le virus du Sida aurait été crée dans les années 80 par le Pentagone lors d'expériences secrètes afin de l'utiliser comme une redoutable arme biologique. Il aurait été testé sur des cobayes humains choisis dans des prisons dont certains auraient survécu. Afin d'éviter toute fuite, ceux ci auraient été assassinés au fil des années. Stefan, un jeune étudiant berlinois dont le père, un scientifique, aurait mis à jour cette théorie, assiste à un congrès sur ce sujet mettant ainsi en péril sa vie alors qu'il tente de gagner l'amour de l'énigmatique Jeffrey, un homosexuel refoulé séro-positif.
No one sleeps est un captivant thriller mâtiné de mélodrame, une plongée au coeur du San Francisco gay où sévit un psychopathe qui décime de jeunes homosexuels. Si en apparence, rien ne relie les meurtres, Stefan va vite découvrir que les victimes font partie des cobayes séro-positifs qui jadis sont parvenus à fuir.
Si No one sleeps démarre comme un thriller traditionnel il prend assez rapidement des airs de thriller politique lorsque Stefan met à jours certains secrets d'état. Hick mélange les genres avec dextérité et savoir-faire, perdant le spectateur comme se perd Stefan dans ce qui semble être une inextricable conspiration où chaque protagoniste semble cacher de bien coupables secrets et détenir des vérités interdites.
Outre l'enquête menée de façon haletante par le jeune héros, No one sleeps explore également le milieu homosexuel de San Francisco. Comme il avait fait pour Sex life in L.A, Hick nous entraine dans les clubs et hangars clandestins où on s'adonne aux plaisirs du sexe lors de parties où sado-masochisme et hérétisme se marient de manière étonnamment réaliste, parfois dérangeante. Outre ces bars et entrepôts interdits, Hick visite les lieux de rencontres gay communs: les salles de cours, la rue, les hotels, les escaliers mais aussi les cimetières. Le film se veut donc une vision plutôt réaliste de la vie gay au quotidien que Stefan, garçon sain en quête d'amour et non de sexe assumant sa sexualité mais qui cache pourtant sa peur de la mort, découvre progressivement notamment par le biais de Jeffrey, son anti-thèse, son âme noire.
Jeffrey est un garçon violent au passé trouble qui fuit l'amour pour une sexualité violente, débridée, hantant les clubs. La relation que Stefan tente d'entretenir avec lui ne peut être que compliquée et brutale voire auto-destructrice. Jeffrey refoule cette homosexualité qu'il hait et par conséquent il se déteste. Il refuse donc cet amour sain et cette aide que lui propose Stefan, hanté par une vie passée trop énigmatique pour ne pas dissimuler un terrible secret. Afin d'arriver à ses fins, Stefan doit libérer Jeffrey de ses chaines et cela nécessite une exploration des plus sombres recoins de son âme et de son passé
C'est dans cet univers que sévit le serial killer, être qui a sombré dans la folie au sens le plus pathologique du terme, tuant pour expier. L'expiation passe en effet par la mort. On retrouve là encore un des fils conducteur du film, la religion, toujours en filigrane. Le tueur paint une croix rouge sur le corps de ses victimes, l'une d'elles meurt dans une reconstitution de la crucifixion lors d'une sex-party, Jeffrey qui lui même fait partie d'un groupe de fondamentalistes chrétiens abhorre la croix que porte Stefan autour du cou tandis qu'en cette période d'elections, les institutions catholiques se font un plaisir de se focaliser sur cette série de crimes en insistant sur la monstruosité de l'homosexualité, moralement dégradante.
Cette homosexualité, Hick nous la montre sous deux faces à une époque où justement le Sida faisait des ravages, plus que jamais d'actualité. D'une part, il nous la dépeint sous un jour faste à travers ces safe sex clubs aux réglements stricts et cette propagande anti-sida fort active. D'autre part, il nous fait découvrir son autre face, sorte de vie parallèle, marginale, qui se développe de façon illicite avec ces hommes ayant recours de leur propre chef aux relations sexuelles à haut risque, des séro-positifs qui veulent défier la mort et vivre pleinement leur vie de condamnés.
La bande originale pourra en faire grimacer certains, quasi uniquement composée par l'opéra de Puccini, Turandot, dont la première se joue à San Francisco justement. Cet opéra d'où est extrait le titre du film tient une part prépondérante dans la résolution de l'énigme puisque quelque part dans la vie de cette princesse chinoise qu'il raconte se cache la clé du mystère. la musique devient donc ici essentielle, elle ne fait qu'un avec le film, elle lui est indissociable et elle s'intègre magnifiquement bien à l'intrigue.
Un des autres atouts du film est son interprétation. Hick a su éviter avec talent les stéreotypes et se permet même de bouleverser les conventions en confiant à une femme d'âge mûr le rôle du commissaire chargé de l'enquête. L'actrice Irit Levi, est tout simplement grandiose et apporte beaucoup au film. Drappée dans son grand imperméable, la voix sèche, le cheveux gris, imperturbable, nerveuse, elle est un peu l'incarnation du détective au gros cigare des films noirs des années 50.
Le jeune acteur allemand venu de la télévision Thomas Wlaschiha, tout en justesse, est un Stefan convaincant et convaincu qui en troublera plus d'un par l'homo-érotisme qu'il dégage, Hick lui réservant quelques scènes d'amour torrides avec son partenaire, Jim Thalman, inquiètant à souhait.
Avec No one sleeps, Hick confirme les espoirs que beaucoup avaient mis sur lui en offrant un film inquiètant, intelligent mais sans prétention si ce n'est celle de donner quelques frissons à son public en le plongeant dans un univers complexe mais pourtant trés clair tout en l'invitant à un voyage au coeur du sexe américain. Jochen Hick prouve une fois encore le cinéma gay allemand reste une valeur sûre.