Teste rasate
Autres titres:
Real: Claudio Fragasso
Année: 1993
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 94mn
Acteurs: Gianmarco Tognazzi, Giulio Base, Flavio Bucci, Fabienne Gueye, Franca Bettoia, Giulio Bianchini, Francesco Acquaroli, Roberto Blanco, Enzo Ceccarelli, Enzo Marcelli, Massimo Vanni
Résumé: Marco a 22 ans, il vit seul avec sa mère. Marco s'ennuie dans la vie et sa relation avec sa mère n'est pas au beau fixe. Un jour, dans un bus, il remarque un jeune skinhead surnommé le Fürher. Marco semble vite fasciné par le garçon qu'il se met suivre. Il découvre qu'il est le leader d'un groupe de néo-nazis. Il va lentement tenter de s'intégrer à eux et prendre leurs habitudes jusqu'au jour où il est intronisé au gang. Devenu skin, il participe à leurs exactions tout en vivant une relation amoureuse avec une jeune brésilienne. Un soir, les skins immolent un jeune noir. C'est le début de la fin pour Marco, repéré par la police...
Aprés toute une série de petits films d'horreur bon marché, Claudio Fragasso se penche vers un cinéma plus sérieux avec ce drame urbain réaliste qui traite du mouvement néo-nazi en Italie.
Le début des années 90 fut marqué par une série d'oeuvres qui traitaient du sujet dont en tête de liste American history X et Romper Stomper. Fragasso, aidée au scénario par sa compagne Rossella Drudi, tente donc en 1993 de s'engager dans ce petit filon.
Voilà qui part d'une belle intention mais malheureusement parfois l'intention ne suffit pas à faire un film parfaitement réussi. Certes Fragasso échoue mais il échoue avec honneur car il n'avait ni les moyens encore moins les connaissances suffisantes de ce milieu pour faire un film convaincant.
Teste rasate fait penser un peu trop à un trés honnête téléfilm dont il a les nombreux défauts notamment dans toute sa première partie dont cette pauvreté tant dans les décors que la mise en scène parfois trop superficielle pour un sujet si grave. Certains souriront ou pointeront du doigt Fragasso pour assimiler par instant le néo-nazisme à un mouvement de droite et faire de ses protagonistes à la tête rasée des caricatures qui dansent sur des musiques de boites de nuit. Très mal définis, on comprend mal leurs agissements et trop souvent tout semble gratuit notamment certaines scènes de violence.
Le plus gros défaut du film est le déséquilibre dont il souffre. Toute la première partie est ainsi trop lente et prête trop à sourire notamment son personnage principal, Marco, nonchalamment interprété par Gianmarco Tognazzi. Le jeu fade et peu convaincant de Gianmarco enlève une bonne part de crédibilité à son rôle et ses motivations. On a du mal à comprendre cette fascination pour ce mouvement extrêmiste tant son personnage est d'une part mal dessiné et d'autre part mal amené. Son histoire d'amour avec jeune brésilienne ressemble à une novellas et fera plus rire qu'émouvoir. La scène d'amour entre Tognazzi et Fabienne Gueye reste un des grands moments du film d'un romantisme hilarant. La passion amoureuse chez Fragasso se résume à un plan gratuit sur la culotte de Fabienne tandis que Tognazzi se déshabille de façon pataude avant que les deux amants se jettent l'un sur l'autre pour mieux rouler à terre.
Par chance, le jeu de Tognazzi s'améliore dans la seconde partie du film, la plus intéressante, et Marco devient non seulement inquiètant mais il laisse surtout exploser toute la folie de son rôle avec une certaine aisance. On regrette alors que toute la première partie n'est pas eu cette force, cet impact.
Les séquences d'action dans lesquelles Fragasso semble être fort à l'aise sont étonnamment réussies et leur cruauté pourra surprendre. L'agression d'un jeune noir qui se cloturera par l'amputation de sa lèvre au rasoir conduit au plus cruel passage du film, celui de l'immolation d'un sans-abri de couleur, quasi-insoutenable par son réalisme, jusqu'au final, le passage à tabac de la jeune brésilienne d'une violence extrême. L'intronisation de Marco reste également un des moments les plus réussis, particulièrement sombre, porté par une bande-son inquiètante. On sent que Fragasso est plein de bonne volonté, qu'il cherche à faire de son film une sorte de documentaire-vérité qui s'inscrit directement dans la vague de film italiens néo-néoréaliste alors en vogue.
Mais outre l'absence de toute psychologie au niveau des personnages empêchant ainsi toute attache sentimentale quelqu'elle soit, le fait que Fragasso tente de banaliser le phénomène et d'en atténuer l'impact diminue encore plus la crédibilité du propos d'autant plus que la mise en scène est le plus souvent peu inspirée. La trame narrative, truffée de trous, véhicule parfois une idéologie discutable et parfois drôle tant on sent que Fragasso ne connait pas réellement ce dont il veut montrer.
Le commerçant juif que joue Flavio Bucci est de son coté beaucoup trop théatral pour être franchement crédible et toute la force du personnage est ainsi fortement diminué.
Restent au crédit du film l'interprétation assez étonnante de Giulio Base en leader skinhead, désillusionné mais au pouvoir hypnotique, et quelques belles séquences d'action incisives, stylées et particulièrement violentes.
Malheureusement le manque de conviction, l'absence de toute étude psychologique des personnages et le déséquilibre narratif font passer le film, trop peu développé, à coté de son objectif. Teste rasate dont les ultimes images particulièrement pessimistes tendant à montrer qu'on éradique pas la Mal, était malgré tout un essai courageux de la part de Fragasso.
Sans être un mauvais film, Teste rasate s'il ne peut être pris au sérieux, ne laissera pas indifférent et risque de heurter la sensibilité de certains spectateurs par ses scènes choc.