New-York city inferno
Autres titres: Cock tales
Real: Jacques Scandelari
Année: 1978
Origine: France
Genre: X
Durée: 88mn
Acteurs: Alain Guy Giraudon, Bob Bleeckers, Dady la flippée, John Houston, Bill Grove, David Charles, Luke Morelay, Camille O'Grady, Keeson, David Barrow, Gay Rodger, Vic Sheridan, Mark Lexington...
Résumé: Jérôme, un jeune français, part pour New-York pour tenter de retrouver son petit ami Paul qui l'a quitté. Il n'a pour seule piste que les lettres qu'il lui a écrit. Jérôme découvre au fil des jours la vie new-yorkaise, sa liberté sexuelle, les bars, clubs, endroits gay. Il découvre aussi le milieu SM de la ville et va lentement se faire initier aux plus perverses expériences...
Jacques Scandelari à qui on doit déjà le violent Brigades mondaines et surtout l'étonnante adaptation de La philosophie dans le boudoir de Sade, sorte d'OVNI particulièrement audacieux dans l'univers du cinéma érotique français d'alors, nous plonge pour la seconde fois après Homologues ou la soif du mâle dans le milieu homosexuel de cette fin de décennie. Après les errances parisiennes de Gérard déchiré entre sa quête d'amour et celle de sexe débridé, Scandelari nous fait découvrir l'univers gay new-yorkais à travers les tribulations de son héros parti y chercher son petit ami qui l'a quitté.
Philippe Vallois avec Johan carnet intime d'un jeune homosexuel nous plongeait dans l'univers gay parisien au fil des aventures d'un artiste à la recherche de Johan, son petit ami. Il nous entrainait dans les lieux de drague sauvage de la capitale, multipliait les rencontres d'une nuit ou d'une heure au détour d'un parc publique ou de toilettes. L'amour, la beauté cachés derrière une ombre d'amertume ou de dureté étaient cependant présents ne serait-ce qu'en filigrane ce qui n'est pas le cas de New-York city inferno même si le parcours de Jérôme est quelque peu semblable à celui de Gérard.
En nous plongeant dans un univers crasse par instant bestial, un monde fait de plaisirs
sauvages où l'amour est exclu, un univers viril souvent brutal fait de sexe pur et dur Scandelari met à jour une des nombreuses faces de l'homosexualité et des plaisirs masculins de manière plus générale, un univers qui ne semblent connaitre aucune limite.
Avec pour fil conducteur les lettres de son petit ami que Jérôme lit en voix off au fil du métrage, le réalisateur devenu pour l'occasion reporter tente de découvrir la vérité sur son départ. Loin des images idylliques des magazines et autres amours à l'eau de rose Scandelari entraine sans détour ni fioriture son public dans un monde brute, le milieu suffocant des plaisirs sadomasochistes au véritable sens mâle du terme, filme avec poigne
une sexualité masculine qui repousse sans cesse les limites du plaisir, cette sexualité débridée qui en affolant ses sens transforme l'homme en bête. Sale, vicieux, obscène, violent, New-York city inferno appartient à cette catégorie de porno gay trash comme on aimait en réaliser dans les années 70 notamment aux Etats-Unis par le biais de cinéastes tels Tom DeSimone auquel on songe parfois ici.
Comme Johan et bon nombre d'oeuvres de ce style réalisées dans les années 70 et le début des années 80 New-York city inferno se présente sous forme de documentaire et comme ses pairs prend comme protagonistes des marginaux qu'on suit au gré de leurs
fantasmes, de leurs désirs et envies. Cette outrance visuelle n'est que la parfaite illustration de ce monde masculin qu'on préfère taire au profit de visions plus bucoliques.
Parmi les porno gay français réalisés à cette époque le film de Scandelari est peut être le plus cinglant. Dés les premières minutes, son arrivée à New-York, Jérôme agrippé à une carcasse d'animal suspendue dans un abattoir découvre les joies de la sodomie, le sang suintant de la dépouille servant de gel intime. Cette ouverture inattendue et plutôt bestiale à l'image même du film n'est que le début d'une torride aventure durant laquelle le jeune homme va au fil des jours découvrir la folie de New-York, véritable paradis tout en chaines et
cuir noir pour homosexuels aguerris. Lui si sage et réservé, jeune gay traditionnel peu ouvert aux différentes facettes du sexe dit hard, va prendre de plus en plus de plaisir à se laisser aller aux relations extrêmes, dépasser sans cesse ses inhibitions, ses peurs, dépasser ses propres limites. Son ami l'a quitté pour ces raisons et vivre pleinement ses désirs. En découvrant cette multiplicité que le milieu gay offre, ses possibilités infinies de rencontres et la diversité des plaisirs charnels masculins Jérôme comprend mieux sa démarche et souhaite aujourd'hui le reconquérir pour vivre cette sexualité avec lui;
New-York city inferno entraine son public dans les endroits gay branchés les plus insolites,
les boites gay bien sûr et les saunas où la baise est aussi importante que la danse, le long de quais et docks désaffectés où les hommes se suivent discrètement pour deux minutes de bonheur, une farandole d'hommes qui se guettent et se tracent, se retrouvent dans des toilettes crasses et autres pissotières où on s'aiment à la chaine au gré de ses envies. Fétichisme (léchage et vénération de pieds et de chaussures), sadisme, voyeurisme, urophilie, soumission, le sperme se mélange à l'urine et la sueur lors de brulants corps à corps anonymes.
Scandelari termine cette odyssée du sexe par la découverte de ce lieu dit «à la mode», une
sorte de donjon de l'inavouable où se retrouvent amateurs de bondage, de glory holes, de cravaches... C'est à un véritable orgie, un sabbat des plaisirs interdits auquel on assiste alors, une plongée bouillante du coté le plus pervers de l'homosexualité au son d'un groupe de métal expérimental qui se déchaine au sens propre comme figuré sur un podium de fortune au milieu des tenues de cuir noir luisant bardées de chaines, des jock-strap, des fers, des fouets, des fists et autres hand et foot-fucking.
Cet univers très spécial où les pratiques sont aussi dures que le cuir est doux, où les membres virils sont aussi épais que les moustaches des protagonistes, est filmé comme
un film-réalité, un pseudo documentaire tourné dans de véritables donjons et sex clubs branchés qui verse dans une pornographie crasse non simulée, puissamment virile; teintée d'un voile populaire un rien ringard typiquement années 70, un aspect renforcé par une bande son presque uniquement composée des titres de Village people première période, ces hymnes gay que sont "San Francisco" ou "Macho man".
Malgré son coté noir le film recèle tout de même quelques touches d'humour et quelques séquences cocasses comme la rencontre de cette femme très libre chez un tatoueur, ce voyant arabe qui lit l'avenir dans le sperme que ses clients déposent dans sa main après
s'être masturbés ou la rencontre d'un chauffeur de taxi qui parle français pour avoir fait ses études en Belgique! Un français marqué par un accent belge belge fort drôle.
Si les dialogues sont le plus souvent improvisés forçant assez souvent le rire on regrettera surtout une construction assez malhabile qui alterne de bonnes voire très bonnes séquences aussi hard soient elles à des séquences grotesques et trop caricaturales du monde underground homosexuel qui cassent le sérieux que souhaitait au départ le cinéaste désireux de montrer la réelle dureté du milieu gay trop souvent tue. Le plaidoyer en faveur des droits des homosexuels à vivre leur sexualité au grand jour s'en voit malheureusement
amoindri.
New-York city inferno, film éminemment racoleur, joli voyage au coeur d'un New-York insolite, souvent fascinant et beau, est une étude certes maladroite des différentes formes d'homosexualité parmi les plus pointues mais dont on ne parle pas toujours alors qu'elles sont peut être les plus répandues. Il se veut le reflet plutôt exact d'une homosexualité téméraire, brute, crue dont trop souvent on préfère ne pas parler pour n"en retenir que son coté le plus rose bien plus acceptable aux yeux d'une morale dite tolérante.
En tête d'affiche on retrouve deux comédiens habitués des pellicule du réalisateur, le moustachu Alain-Guy Giraudon et ses faux airs de Tom Selleck et Bob Bleekers.
Après Homologues ou la soif du mâle Scandelari signe une pellicule aujourd'hui culte, un monument du film porno gay vintage, un véritable classique qui n'a rien à envier aux films de Tom DeSimone, une référence!
Avant de s'orienter définitivement vers le documentaire jusqu'à sa mort en 1999 Jacques Scandelari tournera l'année suivante son troisième et ultime opus gay, Un couple moderne, suivi du névrosé Flashing light connu également sous les titres New-York after midnight et Monique.