For a lost soldier
Autres titres: Voor een verloren soldaat
Réal: Roeland Kerbosch
Année: 1992
Origine: Pays-Bas
Genre: Drame
Durée: 92mn
Acteurs: Jeroen Krabbé, Maarten Smit, Andrew Kelley, Freark Smink, Elsje De Wilj, Derk-Jan Kroon, Wiendelt Hooijer, Iris Misset, Ginete, de Jager...
Résumé: Jeroen est professeur de ballet. il tente de mettre en scène un nouveau spectacle dans lequel il souhaite montrer tout le coté tragique de la deuxième guerre mondiale mais également l'intensité d'un drame personnel qu'il a vécu alors. Il n'avait alors que 15 ans et il fit la connaissance d'un soldat canadien avec lequel il devint très ami. Leur relation va lentement prendre une tournure différente et l'amitié devient de l'amour. Jeroen perdra son innocence dans ses bras mais la guerre va le séparera. Jeroen ne s'en remettra pas...
Délicat sujet que traite ici Roeland Kerbosch mais aussi difficile soit il, il a réussi à le rendre abordable grâce à une totale maitrise du scénario loin de toute complaisance et voyeurisme, à mille lieues du cinéma d'exploitation.
For a lost soldier traite de ce qu'on appelle à mots couverts les amours interdites, ici celles d'un jeune adolescent pour un soldat beaucoup plus vieux que lui.
L'histoire se situe dans la déroute de la deuxième guerre mondiale à Amsterdam envahie par les allemands. Les enfants sont arrachés à leurs parents et mis en sécurité dans des familles d'accueil dispersées dans les villages côtiers voisins. Jeroen, 15 ans, vit mal cette séparation. Il trouve un peu de réconfort auprès d'un soldat canadien. Leur amitié va se transformer en amour puissant jusqu'à la perte de son innocence.
Basé sur l'autobiographie de Rudi Van Danzi, For a lost soldier n'a de scabreux que son sujet peu évident que Kerbosch transforme avec tendresse et amour en une aventure quasi magique filmée avec une infinie grâce et délicatesse.
Se déroulant de nos jours, l'ouverture nous transporte dans l'univers de Jeroen, devenu professeur de ballet. Quadragénaire énigmatique, il est entrain de monter son prochain spectacle dans lequel il veut montrer toute l'intensité dramatique de cette guerre et d'un drame personnel qu'il y a vécu. C'est par le biais d'un long flash-back sur lequel le film est construit que Kerbosch va alors nous faire découvrir le passé de Jeroen, ce petit garçon amoureux d'un soldat qui aujourd'hui tente de revivre à travers son spectacle cette histoire qui a marqué à jamais son destin.
Le film surprendra par sa pudeur et la tendresse qui en émane mais il fera naitre également quelques interrogations par le parti-pris de Kerbosch de ne jamais juger ses protagonistes. Il laisse planer un doute quant à la réalité des faits. Ainsi le spectateur se fera librement sa propre opinion selon ses convictions personnelles et sa propre morale.
For a lost soldier c'est d'une part une nouvelle approche de la découverte de la sexualité adolescente, cette ambiguité propre à cette période de la vie où on s'adonne à des jeux plus ou moins innocents.
Dés le départ, coincé entre enfance et adolescence, Jeroen est de façon très subtile montré comme différent de ses camarades. Il nourrit non seulement une fascination morbide pour les cadavres de parachutistes coincés au fond de l'eau dans leur avion mais il est également attiré par son meilleur ami qu'il contemple entrain de dormir nu à ses cotés dans le champ où ils sèchent leurs vêtements. Son regard se pose sur son corps et ses courbes, s'arrête sur ses fesses. On devine le trouble de l'adolescent comme celui de son compagnon qui à son réveil transforme la situation en un traditionnel jeu de garçons pour mieux entamer une innocente discussion sur la masturbation.
Cette attirance latente de Jeroen pour les garçons deviendra plus concrète lorsqu'il rencontrera Walt, un soldat canadien posté dans un camp voisin. Naitra entre eux une relation amicale intense. Si les sentiments de Walt sont évidents, Kerbosch parvient avec justesse à montrer le lent chemin qui mène de l'incertitude de sa sexualité à la certitude. Il dévoile avec finesse ce doux et indicible malaise qui en découle puis la beauté de cette révélation, celle qui conduit au passage à l'acte et à la perte de son innocence et révèle la force de l'amour.
C'est avec une infinie douceur qu'on assiste à ce passage à l'acte qui en d'autres circonstances aurait pu être particulièrement scabreux. Kerbosch parvient à mettre en images toute l'intensité d'un tel instant en quelques brèves scènes: quelques mots, quelques caresses, un baiser sur un lit baigné de soleil. Une ellipse et Jeroen se réveillera heureux dans une chambre toujours autant illuminée de soleil, contemplant cet amant encore endormi qui vient de marquer à jamais sa vie.
Outre la révélation de son identité sexuelle et les amours interdites entre un jeune garçon et un adulte, For a lost soldier traite aussi de ces rencontres qui forgent à tout jamais un être et décident de son avenir.
Si Walt quittera sa base sans pouvoir dire adieu à Jeroen, il lui laissera une photo et un médaillon en mémoire de leur amour. Jeroen ne se remettra pas de ce départ encore moins de la perte de ces deux précieux souvenirs. Cela ne fera qu'accentuer sa souffrance. De cet amour il ne reste rien comme s'il n'avait été qu'un doux rêve, un fantasme d'adolescent qui allait pourtant le marquer à vie.
C'est là que le film puise d'une part une partie de son intelligence et d'autre part son ambiguité. Cette aventure ne fut elle pas le fruit du désir d'un adolescent en proie aux tourments de sa sexualité naissante qui s'invente cette histoire afin de vivre sa différence. En ce sens, la fin est énigmatique et laissera ainsi le spectateur libre de juger selon son sentiment et surtout ses convictions personnelles. Il pourra ou non condamner cette relation amoureuse amorale ou l'accepter.
Rêve d'adolescent ou réelle passion amoureuse, le résultat est identique. Marqué à jamais par cet épisode, Jeroen, devenu artiste comme l'avait pressenti Walt, tentera de mettre en scène la force de cet amour quelque trente ans plus tard.
Outre cette pudeur dont fait preuve Kerbosch on notera la justesse de l'interprétation des deux acteurs principaux, le jeune Maarten Smit et l'excellent Andrew Kelley.
Un des atouts et non des moindres du film est la beauté des décors naturels néerlandais. Ce sont ces champs de maïs immenses, ces côtes maritimes et ces plages bordées par une mer aussi grise que le ciel est bas. Cela ajoute cette note de mélancolie qui sied à merveille à ce sujet où nostalgie et amour se marient admirablement.
Souligné par une partition musicale tragique, For a lost soldier, devenu un classique du film gay, est une oeuvre belle et émouvante située au coeur d'une douloureuse partie de notre histoire qui la rend encore plus dramatique. Kerbosch nous prouve ici que l'amour s'il ne connait ni âge ni sexe est également intemporel et immortel.