Tina Aumont: Une Flamboyante!
Ses grands yeux noirs charbon se sont définitivement fermés ce 29 octobre 2006. Son regard pénétrant, ce visage énigmatique à la fois empreint de douceur et de fermeté qui reflétait ses origines espagnoles s'en sont allés au Paradis des stars emportées par d'autres bien plus artificiels ceux ci après avoir brûlé la vie par les deux bouts à force d'excès et d'abus en tout genre. Mais cette liberté de vie était un choix personnel. C'est donc avec tristesse que Le Petit Maniaco vous narre aujourd'hui le destin aux milles splendeurs de la brune Tina Aumont.
Née Marie Christine Salomons, Tina vit le jour à Hollywood le 14 février 1946, fille de la célèbre et tumultueuse actrice Maria Montez, très tôt disparue, et de Jean-Pierre Aumont. C'est donc son père parallèlement à son oncle paternel qui va l'élever l'entrainant avec lui aux quatre coins du monde, métier oblige. Tina grandit donc dans l'univers doré du show bizz et c'est tout naturellement qu'elle y verra son avenir. Son éducation libre la fait se marier très jeune puisqu'elle n'a que 17 ans lorsqu'elle épouse l'acteur Christian Marquand dont elle divorcera trois ans plus tard.
C'est en 1966 à 20 ans sous le nom de Tina Marquand qu'elle fait ses premières armes au cinéma dans la peau d'une squaw pour Texas across the river de Michael Gordon, un petit rôle aux cotés de Alain Delon et Dean Martin. Selon ses propres aveux, les américains étaient capables du meilleur comme du pire et Tina détestait ce film qu'elle qualifiait d'horrible.
C'est en France que Tina fait ses réels débuts sous la houlette de Roger Vadim dans La curée puis ce sera Modesty Blaise de Joseph Losey avec Monica Vitti, Terence Stamp et Dirk Bogard.
Elle tournera par la suite deux films aux cotés de son époux Scusi lei è favorevole o contrario de Alberto Sordi et Qui êtes vous Inspecteur Chandler / Troppo per vivere... poco per morire de Luigi Bertoni. L'Italie la remarque très vite. Sa récente rencontre avec Bartoni lui sera bénéfique. Il lui offre un second film aux cotés de Klaus Kinski et Lollobrigida L'uomo, l'orgoglio, la vendetta que Tina qualifiait de version western de Carmen. Baroni la recommande alors à Mauro Bolognini pour qui elle tourne Metello. Bolognini gardera un si bon souvenir de Tina que quatre ans plus tard il lui offrira un nouveau rôle dans Fatti di gente perbene / La grande bourgeoisie.
Tina va alors tourner pour les plus grands metteurs en scène italiens. On la voit chez Bertolucci pour Partner avec son grand ami Pierre Clementi, chez Vittorio Gassman pour L'alibi aux cotés de Adolfo Celi, Comencini la réclame pour se jeter dans les bras de Casanova dans Infanzia vocazione e prime esperienze Giacomo Casanova veneziano. Fellini la fera de nouveau côtoyer le personnage du célèbre séducteur décadent dans son Fellini-Casanova.
C'est Tinto Brass qui lancera définitivement Tina grâce à L'urlo en 1970. Brass déclarait à propos de Tina qu'elle était une des plus belles actrices avec qui il ait tourné. Tina était extraordinaire mais très versatile, passant de l'euphorie à une profonde tristesse se souvient il mais elle était adorable.
Dans L'urlo, elle interprète une gitane plus affriolante que jamais qui fera non seulement perdre la tête à Luigi Proietti mais également aux spectateurs en leur offrant, impudique et totalement désinhibée, de jolis plans de nudité frontale. Ce film qui traite de la révolution sexuelle en plein milieu hippy était le parfait reflet de la vie d'alors de Tina. Elle était une hippy flamboyante, quasi hypnotisante menant une vie dissolue aux cotés d'un artiste peintre très "pop", Federico Pardo, avec qui elle vivait dans une maison aussi immense qu'extravagante à Castel Sant'Angelo. Tina était imprégnée de toute cette philosophie propre à la Woodstock generation qu'elle vivait à fond.
C'est à Londres qu'elle fit ses premières expériences sous acides, usant et abusant de substances toutes plus illicites et dangereuses les unes que les autres. Cette vie de débauche que ses problèmes personnels et existentiels n'arrangent pas freinera considérablement la carrière de la belle. Elle tourne tout de même en 1972 pour Giulio Questi un petit film d'horreur singulier et méconnu, l'inquiétant Arcana. Deux ans auparavant, Tina, passionnée de films d'horreur et admiratrice du travail de Terence Fisher, déclarait lors d'une interview accordée à Luigi Cozzi que son rêve serait de tourner un film de vampires sous la direction de Mario Bava qu'elle admirait alors. Malheureusement cela n'arrivera pas. Pourtant Tina avait tout pour interpréter un rôle de Dark lady, ce regard, cette prestance, cette silhouette. On la verra par contre dans quelques friponneries dont une décameronerie Racconti proibiti di niente vestito de Brunello Rondi ainsi que Bianco rosso è.../ Une bonne planque de l'infatigable Alberto Lattuada.
Elle donne dans le polar avec Il sergente Klems de Sergio Grieco avant son fameux rôle en 1973 dans le sanglant giallo de Sergio Martino Torso.
En 1974, elle renoue avec le fantastique et retrouve Klaus Kinski aux cotés de Hiram Keller dans Lifespan / Le secret de la vie.
En 1975, elle a la chance de tourner pour un de ses réalisateurs préférés Sergio Corbucci dans Il trafficone avant de se retrouver chez Cesare Canevari pour La princesse nue aux cotés de Ajita Wilson avec qui elle partagera une belle scène saphique en fin de film. Pour Canevari le tournage des scènes avec Tina fut difficile. Elle était parfois tellement sous l'emprise de la drogue qu'elle pouvait à peine marcher.
Cette même année Tinto Brass fait de nouveau appel à Tina pour Salon Kitty où cette fois c'est avec Theresa Ann Savoy qu'elle partage une torride scène saphique. Cinq ans après L'urlo, si Tina demeure une très bonne actrice, Tinto se rappelle que les drogues et la vie qu'elle menait lui avaient fait perdre beaucoup de sa beauté passée. Certains jours Tina arrivait sur le plateau malade, tenant à peine debout. Ses bras étaient couverts des marques de seringues que les maquilleurs dissimulaient du mieux que possible. Malheureusement, la drogue est une spirale infernale. Ses rôles s'amenuisent doucement. On la voit encore dans Giovanino de Paolo Nuzzi aux cotés du jeune Christian De Sica, Le messie, l'oeuvre biblique de Roberto Rossellini et Cadavres exquis de Francesco Rosi.
Sa vie de débauche va avoir raison d'elle. Elle enchaine amants furtifs et amants d'une nuit, elle vit à cent à l'heure et brûle la chandelle par les deux bouts, elle va de parties sauvages en débauches de toutes sortes, dépendantes des acides. Elle n'apparaitra plus alors que dans de petits rôles notamment Un cuore semplice de Giorgio Ferrara ou L'amore difficile de Giancarlo Cibelli.
En 1979 elle apparait dans le dernier des nazisploitations qui fut commis en Italie, celui de Elo Panaccio Holocaust 2.
Tina va alors sombrer dans le monde du hard, peut être inconsciente de ses actes ou cherchant simplement à survivre. Elle pose pour des photos X dans la revue Le ore aux cotés d'une autre star déchue, morte elle aussi trop tôt, Marisa Mell. Elles y apparaissent au milieu d'une troupe d'acteurs pornos en pleine orgie romaine. Ce sera ses ultimes frasques italiennes.Tina va alors quitter l'Italie pour revenir vivre en France.
La drogue a raison d'elle dans les années 80. Si les metteurs en scène ne la laissent pas tomber, elle n'apparaitra plus que dans de petits rôles de façon épisodique comme dans La bande du Rex en 1980, Les frères Pétards en 1985 ou encore un épisode de la série Maigret.
Les années 90 ne seront guère plus brillantes. Elle apparait prématurément vieillie, lasse, la voix éraillée par tant d'erreurs irréparables, l'oeil éteint où subsistait malgré tout cette petite lueur qui en dit long lorsqu'elle évoquait avec peine ses glorieuses années. En 1992, elle déclare à France-Soir qu'elle a voulu se perdre dans cette vie pour oublier le tourbillon infernal qu'elle a connu lors de ses années italiennes.
Elle tournera en 1997 pour Jean Rollin Les deux orphelines vampires ainsi qu'un téléfilm et un direct-to-video.
Sa dernière apparition au grand écran datait de 2000 pour La mécanique des femmes de Jérome de Wissoltz avec Christine Boisson.
Tina avait quitté Paris pour les Pyrénées orientales, victime de sa soif de liberté. La comédienne s'en est allée discrètement à tout juste 60 ans rejoindre toutes ces stars emportées par l'impitoyable tourbillon du Septième art nourri d'illicites plaisirs!