Christian Borromeo: L'ange blond
Parmi les jeunes premiers du cinéma de genre italien, Christian Borromeo crédité parfois Cristian Borromeo avait tout pour devenir l'un des petits chouchous des grands écrans. La blondeur des blés en fleur, l'oeil bleu océan et coquin, pétillant de mille feux, le regard et le visage d'un ange, toutes les qualités requises étaient au rendez-vous. Malheureusement pour lui, malgré ses fringants débuts, il eut un certain mal à se frayer une place au soleil et se cantonna durant les quelques dix années que dura sa carrière de comédien dans un certain cinéma de genre entre horreur et sexy comédies.
Voici retracé le parcours de ce petit prince mal aimé auquel Le Maniaco rend hommage en lui offrant tout notre amour, cet amour qu'il ne trouva pas vraiment auprès du public.
Né en novembre 1960, Christian est issu d'une famille noble. C'est assez jeune que Christian débuta au cinéma puisqu'il est tout juste âgé de seize ans lorsque Davide Montemurri le remarque pour son joli minois et lui donne un petit rôle dans Lezioni di violoncello in toccata e fuga en 1976. Ses airs angéliques, ses yeux bleus et sa blondeur perle de blé font très vite de Christian une des jeunes stars montante du cinéma italien.
Ce n'est pas étonnant de le voir dès l'année suivante, le cheveu gominé, d'une rare élégance, le visage angélique, pour un rôle plutôt conséquent dans l'excellent Moeurs cachés de la bourgeoisie / Ritratto della borghesia in nera de Tonino Cervi aux cotés de Ornella Muti, Capucine et Paolo Bonacelli.
Christian continue gentiment son parcours. Il enchaine avec Quella strana voglia d'amare, ultime film de Mario Imperoli où il a enfin l'un des premiers rôles, celui de Marco, jeune homme qui vit une relation incestueuse avec sa soeur jusqu'à l'arrivée d'une superbe professeur de piano dont il va s'éprendre. Cette morbide histoire d'amour interdit et de folie destructrice, sous fond de décors décrépis aux réminiscences gothiques donne à Christian l'occasion de démontrer ses talents de comédien. Imperoli magnifie la beauté quasi angélique de Christian qui irradie littéralement l'écran aux cotés de Bebe Loncar et Marina Giordana. Véritable petit bijou du sulfureux cinéma érotique italien, Quella strana voglia d'amare sera aussi le premier d'une petite série d'oeuvres érotiques dont il sera le héros.
Après quelques rôles pour la télévision, c'est Joe D'Amato en 1979 qui fait ensuite appel à lui pour son Il pornoshop sulla settima strada, un érotico-trash où il a pour partenaire Brigitte Petronio et Anna Maria Clementi. Christian incarne Frank, un étudiant maltraité par une bande de malfrats qui violeront son amie avant qu'il ne s'empare avec l'aide de ses amis de leur butin. Est ce un bonheur ou un malheur, quoiqu'il en soit, le bel acteur va dès lors se spécialiser dans le cinéma de genre. Luigi Russo lui propose le personnage principal de sa nouvelle sex-comedy très enlevée Pensione amore servizio completo / Pension pour jeunes filles, celui d'un jeune homme obsédé sexuel qui à force de trop faire l'amour devient impuissant. Après moult aventures polissonnes, galipettes incongrues et chevauchées déplacées orchestrées de main de maître par Ajita Wilson, Marina D'Aunia et Lory Del Santo, le bel éphèbe retrouvera sa virilité. Pudique quant à Christian, Russo par contre ne manque en aucun cas de nous dévoiler les anatomies de ses charmantes actrices.
Après cet intermède dans le cinéma polisson, Christian se retrouve une fois de plus avec son amie Brigitte Petronio dans La maison au fond du parc de Ruggero Deodato en 1980, film qu'aujourd'hui on ne présente plus et dont il est l'un des principaux protagonistes, le frère de la sublime Annie Belle.
Christian commence à perdre cet air candide, si délicieux, son visage se crispe et son jeu devient parfois irritant. Il semble perdre en fraîcheur ce qu'il gagne en arrogance. Cette apparente antipathie lui aurait valu une assez mauvaise réputation en Italie dit on.
Si Deodato se souvient de lui comme d'un beau jeune homme poli et consciencieux, ses partenaires ont de lui l'image d'un garçon plutôt froid et peu festif, guère bavard, un jeune homme un peu à part.
Sorti de cette Maison au fond du parc, il tourne le joli drame érotique en costumes Tranquille donne di compagna de Claudio De Molinis. Le film pimenté de nombreuses séquences osées réunit une fabuleuse distribution puisqu'en tête d'affiche on retrouve Rossana Podesta, Serena Grandi, Silvia Dionisio et Carmen Scarpitta. Il y interprète le fils détesté de l'infâme Philippe Leroy qu'il rêve de voir mourir entre deux pirouettes amoureuses, la plus amusante étant celle où, en plan serré, il caresse d'un brin de paille le sexe de Serena Grandi.
Il enchaine avec Lulù cette fois pour la télévision sous la houlette de Mario Missiroli avec Stefania Sandrelli.
En 1981, Christian fera une courte parenthèse musicale en Italie. Il sort en effet deux 45t, Sotto un cielo di stelle et Bellissimo, deux slows sirupeux qui malheureusement seront un gros échec. Il retrouve les grands écrans avec Estigma en 1982, film de José Ramon Larraz où il interprète le double rôle de Miguel et de son frère jumeau Sebastian. C'est l'histoire d'un jeune homme solitaire et étrange aux terribles pouvoirs psychiques, hanté par les fantômes de ses victimes. Lent, atmosphérique, parfois onirique, Estigma, inédit en France, est un film sombre clairement inspiré de Carrie, Furie et Patrick, mettant en scène les colères et frustrations refoulées d'un adolescent en pleine puberté.
Après un autre téléfilm, Ehrengard, 1982 est aussi l'année de Ténèbres de Dario Argento. Il interprète Gianni, le jeune journaliste qui finira étranglé par l'assassin après qu'il est découvert son identité.
C'est au tour de Lucio Fulci, en plein déclin, de faire appel à ses talents en 1984 pour son piètre giallo, Murderock, où dans la peau d'un jeune danseur il tente aux cotés de Ray Lovelock de découvrir cette fois qui est l'assassin à l'aiguille à chapeau.
Si ses apparitions s'amenuisent alors, il est encore le jeune protagoniste principal du méconnu Senza vergogna de Gianni Siragusa avec Malisa Longo, Rita Silva et Gabriele Tinti dans lequel il est l'attendrissant fils handicapé de Malisa qui se sacrifierait afin de lui faire vivre sa première expérience sexuelle. Rita Silva garde de lui le souvenir d'un jeune homme attachant et très sympathique. On le voit ensuite dans un téléfilm tourné pour les chaînes italiennes, Domani.
En 1987, Fellini pensera tout de même à lui donner un court rôle dans Intervista mais le bateau coule et après une petite décade de succès relatif, Christian disparaitra des écrans.
Il ne quittera pourtant pas l'univers du cinéma puisqu'il s'orientera un temps vers une autre activité, celle de photographe de plateau.
En 1997, il aurait du faire partie de la distribution du nouveau film de Gianni Siragusa Tramonti Fiorentini aux cotés de Corinne Clery. Après que Siragusa ait quitté le plateau en plein milieu du tournage, c'est Joe D'Amato qui devait en reprendre la direction. Christian refusa alors de continuer l'aventure. Par solidarité pour son amie l'actrice Brigitte Petronio qui avait intenté un procès à D'Amato pour avoir inséré sans son autorisation des scènes hardcore dans Il pornoshop sulla settima strada. Christian décida de ne plus jamais travailler pour D'Amato.
Cette même année, la frange toujours alerte, on pourra le voir dans le nouveau polar de Gianni Siragusa Inquietudine, le pilote d'une série télévisée qui ne verra jamais le jour, aux cotés de la plantureuse Malisa Longo avant de disparaitre cette fois définitivement.
Dans le souvenir de ses admirateurs, le nom de Christian restera surtout associé à Ténèbres et La maison au fond du parc et son visage à celui d'un gentil gourgandin. Mais on oublie un peu trop vite ses débuts prometteurs et son visage d'ange malicieux derrière les formes alléchantes de quelques unes des reines du cinéma de genre d'alors. Aujourd'hui Christian vit avec son oncle dans un petit bourg dans la province de Terni. Il a totalement changé de voie. Il est en effet architecte et a participé à la réfection de quelques uns des plus beaux palaces de Rome. De son passé d'acteur, Christian ne souhaite plus du tout ni y revenir ni même l'évoquer encore moins en parler. Il a tiré un trait définitif sur cette période de sa vie qu'il a oublié, sur les films qu'il a tourné dont il a une vision assez négative et ne souhaite qu'une seule chose, qu'on l'oublie également. Christian refuse toute interview et toute forme d'approche. Respectons son voeu.
Quant à nous, nous ne t'oublierons pas Christian, au Maniaco, on t'aime!